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				Betbeder et Henninot, 
				duo de choc pour un chasseur de fantômes 
				Alors que le 
				second opus de la série BD "Alister Kayne, chasseur de fantômes" 
				est enfin disponible en librairie, aux éditions Albin Michel, les auteurs sont inquiets. 
				Leur héros ne s'est jamais aussi bien porté depuis sa mort. Mais 
				on ne peut pas en dire autant de l'avenir du troisième tome dont 
				l'espérance de vie dépend de la dure loi du marché... 
  
			
				
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				 Avec "Dans ce 
				monde comme dans l'autre...", le fantôme d'Alister Kayne nous 
				entraîne dans de nouvelles aventures, aux frontières du 
				surnaturel, explorant plus en profondeur la vie tumultueuse d'un 
				chasseur de fantômes, façon Harry Price. 
				Souvenez-vous du premier tome : au crépuscule de sa vie, Alister 
				cède la place à son fantôme qui possède le pouvoir de voyager 
				dans son propre passé. Le lecteur découvre ainsi l'histoire de 
				Kayne par flash-back. Or, après sa fuite d'Angleterre pour 
				échapper au discrédit et à l'humiliation, il traverse l'Europe, 
				à la rencontre des grands parapsychologues de ce monde. 
				Démasquant les supercheries, Alister Kayne devient alors le 
				jouet de ses détracteurs. Mais, fort de ses méthodes et de son 
				habileté à contrôler sa publicité, il parvient à capter 
				l'attention d'un auditoire de plus en plus féru d'occultisme.  | 
			 
		 
		
		A l'instar de leur personnage, Stéphane 
		Betbeder, le scénariste, et Eric Henninot, le dessinateur, croient à l'étrange mais doivent se battre 
		pour le faire reconnaître. Et pourtant, tous les ingrédients du mystère 
		sont là. Du scénario au dessin, "Alister Kayne" est une réussite 
		littéraire et visuelle. 
		
			
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				 Espérant le 
				succès de leur nouvel album auprès des lecteurs,  ils ont 
				accordé à Maison-Hantee.com un long entretien exclusif, jouant 
				la carte du "making of" avec, en prime, des pages du script et 
				les premiers croquis du prochain épisode !   | 
				
				 
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		A quelques jours de la parution d'un 
		dossier exceptionnel sur la biographie de Harry Price par Erick Fearson, 
		nous nous sommes mobilisés pour défendre une perle rare de la 
		bande-dessinée. N'hésitez pas à marcher sur nos traces. Et plutôt dans 
		ce monde que dans l'autre... 
		
		
		Propos recueillis par Olivier 
		Valentin 
		
		
		Maison-Hantee.com : Au début du tome 1, Alister Kayne, chasseur de 
		fantômes oublié de tous, s’apprête à se suicider au milieu de sa 
		bibliothèque d’ouvrages occultes. Avant d’y mettre le feu, il déclare 
		« l’homme d’aujourd’hui n’a que faire des mystères, il veut des 
		certitudes, du rationnel, du concret. Imbéciles, vous n’avez pas voulu 
		de mes recherches, vous n’aurez pas ma mémoire. » A l’instar de votre 
		protagoniste, les déboires de publication du tome 2 avec Albin Michel 
		peuvent-ils vous contraindre à la même conclusion ? 
		
		Eric Henninot :
		Ah oui tiens, ce serait une bonne idée ça de s’immoler au milieu 
		de piles d’Alister Kayne ! Personnellement, je ne me faisais pas 
		d’illusion sur ce qui régit le monde de l’édition et le monde en 
		général, on connaît les règles du jeu. Cependant nous avions eu de la 
		part de l’éditeur l’assurance d’aller jusqu’au bout de la série et je 
		croyais que la parole donnée avait quand même plus de poids que cela. 
		Ceci étant dit, je n’ai pas plus d’amertume que cela, le tome 2 est 
		enfin sorti et je garde espoir pour le 3. Donc pas d’immolation pour 
		cette fois… 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Les déboires de publication avec Albin Michel sont pour moi révélateurs 
		d’un dysfonctionnement de l’environnement éditorial (artistique ?) dans 
		lequel nous essayons de faire vivre notre série. Cet éditeur, comme 
		malheureusement beaucoup d’autres de nos jours, ne laissent plus le 
		temps à une série de s’installer et de conquérir de nouveaux lecteurs – 
		devenus méfiants par ces innombrables abandons de séries en cours. Une 
		série qui continue est une série qui est rentable dès le tome 1. Pour 
		que les auteurs vivent décemment pendant la réalisation de l’album, le 
		seuil de rentabilité (remboursement des à valoir perçus) se situe autour 
		de 7000 à 9000 exemplaires vendus. Nous n’avons vendus que 3500 
		exemplaires du premier tome, et à l’heure actuelle, rien ne dit que nous 
		puissions réaliser ce troisième tome, malgré le fait que cette série 
		nous tienne particulièrement à cœur à Eric et moi, que 10 pages soient 
		réalisées et que la totalité du traitement soit écrite. Notre directrice 
		de collection s’est battue comme une diablesse afin que nous puissions 
		avoir une chance, et elle a obtenue la prépublication dans Bodoï 
		qui nous a permis, je pense, d’avoir cette mise en place plus que 
		correcte du 2 (presque 7000 exemplaires en librairies). Si la totalité 
		se vend, nous devrions nous voir offrir un tome 3 et fin. Le problème 
		est que le 1 n’est plus disponible en librairie si ce n’est sur 
		commande. Et, connaissant les habitudes de consommation des lecteurs – 
		tout, tout de suite, sinon rien ! – je crains le pire. Mais l’espoir ne 
		nous est pas interdit même s’il semble utopique. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Le second volume de la série continue de flirter 
		avec la biographie d’Harry Price, personnage emblématique de l’étude des 
		phénomènes surnaturels, qui savait utiliser la publicité, même à son 
		insu, pour promouvoir sa cause. Quels éléments de la vie de ce chasseur 
		de fantômes vous ont marqué au point de les faire revivre à Alister 
		Kayne ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		C’est un tout. Après la lecture de sa biographie Confessions of a 
		ghost hunter, je me suis intéressé à tout ce que j’ai pu glaner sur 
		le personnage et ses activités. Ce qui me plaisait, et me plaît encore, 
		chez Harry Price, est cette capacité qu’il avait à se tirer de 
		situations inextricables, toujours sur le fil du rasoir entre sa 
		prétendue compétence scientifique et ses rêves de gloire à peine 
		déguisés. Et je pense m’être intéressé au personnage parce qu’il résume, 
		et contient dans ses éléments biographiques, toutes les questionnements 
		et les contradictions qui me taraudent depuis toujours. Je me suis 
		complètement projeté et identifié à sa quête. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Est-il si difficile que cela de se priver d’un nom 
		aussi controversé qu’Harry Price pour nommer son héros ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Au départ, je voulais revendiquer la "Biocomic" de Harry Price (comme 
		on dit Biopic pour les films qui font la biographie d’une célébrité – 
		genre Ray Charles ou Johnny Cash dans Walk the Line). Mais je me 
		suis heurté à la méfiance de mon éditeur qui ne voulait pas risquer un 
		procès avec les héritiers de Sir Harry Price. Avec le recul, je pense 
		que d’inventer le personnage d’Alister Kayne à partir de Harry Price lui 
		a permis d’exister en tant que tel, pour lui même, et m’a permis de 
		sortir de l’ornière de la véracité historique. 
		
		
		Maison-Hantee.com : La série débute par la mort du héros dont le fantôme 
		revient, par la mémoire, hanter son propre passé. Le flash-back, comme 
		mode narratif, n’est-il pas trop dangereux à manipuler et trop compliqué 
		à suivre pour les lecteurs ? 
		
		Eric Henninot : 
		Je ne suis pas scénariste, mais je pense, malgré tout, qu’effectivement 
		le mode narratif est assez délicat. Pas à cause des flash-back mais 
		essentiellement parce que cela dédouble le protagoniste et qu’au final 
		il y a donc 2 protagonistes : Alister-vivant et Alister-fantôme. Et je 
		crois que le récit hésite toujours un peu entre ces deux personnages. Au 
		final, c’est bien le fantôme qui est le protagoniste principal, mais je 
		pense que cela se dessine assez tard dans le récit. 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Et ce n’est pas à nous, auteurs, d’en juger. Je me plais à écrire des 
		histoires dont la structure est complexe. Pourquoi faudrait-il que le 
		lecteur soit toujours installé dans un fauteuil, que l’auteur le prenne 
		par la main et le caresse dans le sens du poil pour que sa lecture soit 
		confortable, que tout s’explique et que tout soit clair, limpide, sans 
		surprises ?? L’horreur ! Non, je crois que l’avantage d’une BD est 
		qu’elle se lit relativement vite, et qu’il est facile d’y revenir. 
		Aussi, je trouve intéressant de jouer sur plusieurs niveaux de lecture : 
		un premier, plus superficiel, qui joue sur des rebondissements 
		dramatiques "classiques" et un second, plus souterrain, qui met en 
		perspective des questions et des réflexions qui n’obtiennent pas 
		nécessairement de réponses. J’aime lire une œuvre qui prête à réfléchir 
		et qui m’interroge encore longtemps après la lecture. Voilà la raison 
		que je peux trouver à ce choix de structures basées sur des 
		enchevêtrements non linéaires. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Au seuil de sa mort, Alister Kayne confesse : « j’ai 
		perdu la vie mais j’ai gagné un bien étrange pouvoir, celui de voyager 
		dans ma mémoire, au gré de mes souvenirs. » Croyez-vous que les fantômes 
		sont les doubles des vivants qui reviennent, après leur mort, hanter 
		leur propre passé pour corriger leurs fautes ? Sinon, quel est, pour 
		vous, le rôle du fantôme ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Je crois en la vie après la mort, oui. Je ne peux croire que l’esprit 
		soit entièrement dépendant du corps. Je crois que la pensée continue 
		bien après que la date de péremption du corps soit dépassée. Le corps 
		n’est qu’un véhicule et quand il mange les pissenlits par la racine, 
		l’esprit est libéré de ses contingences matérielles et continue sa lente 
		évolution. Après, les phénomènes de hantises me semblent réels, à partir 
		du moment où, bien que l’esprit ait quitté le corps du défunt, ces mêmes 
		contingences matérielles le tiennent "pieds et mains liés" au monde 
		physique. Et il y restera coincé jusqu’à ce qu’un élément extérieur 
		vienne le délivrer de ces liens solides. 
		
		Eric Henninot : 
		Comme je n’ai jamais rencontré de fantômes, je ne me suis pas penché sur 
		la question. Mais, à mon avis, les morts sont morts et les fantômes sont 
		essentiellement un problème pour les vivants finalement. 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Le fantôme n’a d’autre rôle que de rappeler aux vivants qu’un individu a 
		auparavant existé, et qu’il est resté lié à un lieu, à une personne, à 
		une situation. Et l’on est vraiment mort que lorsque plus personne ne se 
		souvient de vous. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Au commencement du tome 2, on retrouve Alister Kayne 
		en Transylvanie, après avoir fui l’Angleterre. Avez-vous joué les Bram 
		Stoker ou y êtes-vous déjà allé ? Sinon, pourquoi y envoyer votre 
		détective de l’occulte ? Qu’est-ce qui a motivé le choix des pays qu’il 
		traverse, notamment la France, terre des cartésiens par excellence ? 
		
		Eric Henninot : 
		La Transylvanie, c’est essentiellement un voyage dans le temps pour 
		Alister, un lieu où il se retrouve confronté au surnaturel de façon très 
		différente de ce qu’il a connu à Londres. C’est un surnaturel sauvage et 
		brutal. Une façon de lui faire vivre ses questionnements de manière 
		beaucoup moins abstraite, dans sa propre chair. J’ai beaucoup aimé la 
		façon dont Stéphane s’est réapproprié le mythe du vampire, il en dit peu 
		et introduit des subtilités qui m’ont beaucoup plu. 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Quant à la France, tout simplement parce que, pour atteindre l’Europe 
		depuis l’Angleterre, elle est le passage obligé. Pour la Transylvanie, 
		il me semblait logique qu’un presque contemporain de Bram Stoker fasse 
		le voyage pour entrer dans ces contrées empreintes de superstitions et 
		de croyances impies. Alister Kayne a lu, enfant, Dracula, et 
		comme beaucoup de ses contemporains, l’Europe de l’Est et ses légendes 
		sont un mythe fondateur de sa vocation, de son imaginaire. Pareil pour 
		son auteur, Bram Stoker, qui n’y a jamais posé un pied, à peine un doigt 
		sur une carte. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Alister Kayne lutte contre les forces du mal, et 
		surtout, contre ses propres démons. Qu’est ce qui vous a inspiré la 
		scène du cauchemar dans l’auberge transylvanienne ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		C’est une retranscription assez fidèle d’un cauchemar que j’ai fait. 
		Après, Eric y a apporté sa patte et son interprétation graphique, mais 
		l’ambiance qui s’en dégage en est similaire. Dans ce rêve, je me 
		retrouvai dans une  pièce inconnue et vide, baignée de lumière, un rayon 
		de soleil était dessiné sur le sol et les limites de ce rayon étaient la 
		prison dont je ne pouvais m’évader. Puis, je me retrouvai cloué dans mon 
		lit, pensant que je me réveillai. Un visage apparaissait face à moi dans 
		la lumière. Ce visage me ressemblait trait pour trait. La seule 
		différence notable était le port d’une barbe de ce double face à moi. Je 
		ne pouvais bouger. Mon double m’étranglait entre ses mains puissantes. 
		Impuissant, effrayé, je le regardai ôter la vie qui coulait en moi. 
		J’essayais de crier, en vain. Soudain, je me réveille, dans mon lit en 
		sueur, un faible râle, comme un cri sort de ma gorge. J’avais rêvé qu’un 
		double barbu m’avait tué. Aujourd’hui, et je ne cherche en rien à 
		analyser cet état de fait, je porte la barbe et je ne pense être 
		différent de celui que j’étais avant ce cauchemar… Voilà l’origine de ce 
		cauchemar de papier, né d’un cauchemar véritable qui a marqué un virage 
		important dans ma propre vie. Et qui en marque un important dans la vie 
		d’Alister Kayne, double fictionnel. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Un calvaire, des morsures évoquant les stigmates, 
		les bras souvent en croix, humilié, rejeté, presque sacrifié, les 
		apparences sont-elles trompeuses ou Alister Kayne serait-il devenu une 
		icône dans une quête mystique ? 
		
		Eric Henninot : 
		C’est vrai qu’Alister en prend plein la poire. J’avoue ne pas connaître 
		les raisons de Stéphane pour le maltraiter à ce point. Sans doute que la 
		rédemption n’en sera que plus forte. Mais a mon avis c’est quand même du 
		sadisme ! 
		
		Stéphane Betbeder : 
		C’est drôle, je n’y ai pas pensé, c’est inconsciemment que j’ai fait du 
		voyage de Alister en Europe de l’Est un calvaire quasi christique. Un 
		ami me dit souvent que je suis "une bigote", j’ai bien peur que 
		derrière sa moquerie se cache une réalité….  
		
		
		Maison-Hantee.com : D’après Alister Kayne, « nier l’irrationnel est dans 
		la nature de l’homme moderne. Quelle que soit la véracité des faits, il 
		évacue ce qu’il ne peut expliquer ». Au regard de l’histoire des 
		croyances, que pensez-vous des tentatives de la science pour expliquer 
		les phénomènes paranormaux ? Ont-elles désenchanté le monde ou, au 
		contraire, accrédité le pouvoir du mystérieux ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Aujourd’hui, la recherche en matière de parapsychologie se base, comme 
		l’I.M.I. (Institut  Métapsychique International), sur des études 
		statistiques, des pages et des pages de chiffres pour savoir si la 
		pensée, par exemple, influe sur les tirages de cartes ou si la 
		télépathie est un phénomène qui peut se répéter à l’envi. Elle obtient 
		des résultats qui n’ont absolument rien de spectaculaire, et elle 
		souffre d’un manque manifeste de moyen. A part quelques aficionados, 
		cela n’intéresse pas grand monde. Il fut une époque où le mystérieux 
		recevait un véritable engouement de la part du public, et c’est l’époque 
		qui est dépeinte dans Alister Kayne Tome 1 et Tome 2. 
		
		Eric Henninot : 
		Je ne pense pas que la science désenchante le monde, bien au contraire. 
		Il suffit de se pencher un peu sur les découvertes récentes de la 
		science pour s’en convaincre. Et c’est d’ailleurs pour moi une véritable 
		source d’émerveillement. La science se préoccupe du "comment" et pas 
		du "pourquoi". Elle nous montre le monde telle qu’il est, dans ses 
		mécanismes les plus subtils, elle nous dit, "voilà, c’est comme ça que 
		ça fonctionne". Mais, pas de pourquoi ! Il me semble que la science ne 
		donne pas de sens au monde. Ce n’est pas de la philosophie ni de la 
		métaphysique. Et en ce sens, le mystère reste absolument entier. Quand 
		bien même nous apprendrions que les fantômes ne sont qu’une 
		hallucination par autosuggestion, ça n’en reste pas moins 
		extraordinaire. A mon avis la responsabilité du "désenchantement du 
		monde" est à trouver ailleurs, la science n’y est pour rien. L’économie 
		de marché par contre n’est peut-être pas innocente dans l’affaire… 
		
		
		Maison-Hantee.com : Dans le tome 2, le fantôme d’Alister Kayne craint de 
		révéler sa présence. D’après lui, son empathie pour les vivants pourrait 
		le rendre visible aux clairvoyants. Les médiums, et en particulier les 
		enfants, ont-ils le monopole de la communication avec l’au-delà ? 
		
		Eric Henninot : 
		Aucune idée ! (Rires) 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Je ne suis pas un spécialiste de la question ! Je pense toutefois que la 
		communication avec l’au delà n’est pas réservée à quelques personnes qui 
		seraient détentrices d’un pouvoir surnaturel, venu d’on ne sait où. Je 
		pense que tout le monde est susceptible de faire une rencontre 
		surnaturelle, lors de la mort d’un proche ou d’un passage dans un lieu 
		"chargé". De toute façon, ces communications sont choses rares et 
		requièrent de sacrés concours de circonstances pour qu’elles puissent se 
		faire. Je suis très méfiant quant aux médiums qui peuvent communiquer 
		avec les morts quand ils le désirent. Un médium est par définition un 
		vecteur. Il ne communique que lorsqu’on le sollicite pour le faire. Or, 
		je ne suis pas certain que les morts soient aussi bavards que certains 
		extralucides veulent bien nous le faire croire. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Connaissez-vous la zététique, un courant de pensée 
		sceptique qui, comme Alister Kayne, veut démasquer les fraudeurs du 
		surnaturel ? Ses fondateurs se sont illustrés il y a quelques années en 
		offrant une récompense à celui ou celle qui confirmerait ou infirmerait 
		la réalité des phénomènes paranormaux ? Eric, Stéphane, dans quelle 
		catégorie vous rangez-vous ? Croyant, sceptique, opposant ou, comme 
		Alister, faussement désintéressé ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Oui, je connais le courant zététique. Il y a quelques années maintenant, 
		lors des recherches documentaires pour le 1er tome d’Alister 
		Kayne, j’avais rencontré le professeur Yves Lignon, de l’université de 
		Toulouse, qui a écrit bon nombre de livres sur les phénomènes 
		surnaturels et mené des enquêtes avec des médiums, dans des lieux 
		réputés hantés. Les zététiciens l’ont particulièrement assaisonné de 
		critiques quant à ses méthodes et le manque de sérieux de ses 
		investigations. Rappelons-nous toute la publicité qui avait été faite 
		autour des manifestations physiques d’Uri Geller qui pouvait tordre des 
		cuillères par le pouvoir de sa simple volonté. Un prestidigitateur 
		réussit le même phénomène, dans les mêmes conditions de contrôle, en 
		utilisant un truc, à savoir chauffer à blanc les cuillères et attendre 
		leur refroidissement qui les voit se rétracter, soudainement, comme par 
		magie. Pour qu’un fait soit avéré, la science demande qu’il puisse se 
		répéter à l’infini, comme un théorème. Mais le paranormal n’entre pas 
		dans cette logique. Il est impalpable, inattendu et, pour tout dire, 
		capricieux. 
		
		Eric Henninot : 
		Je pense que ce problème est complexe et qu’il mériterait effectivement 
		d’être étudié de manière scientifique, avec des tests et des 
		expérimentations qui permettraient de faire un peu le tri, entre les 
		faits et les fantasmes. Ce serait intéressant. Je ne suis donc pas 
		croyant, ni véritablement sceptique, pas opposant (pourquoi faire 
		d’ailleurs ?) et pas désintéressé non plus. Disons que je suis dans une 
		5ème catégorie alors, celle des curieux sans a priori. Enfin, 
		j’essaye… (Rires) 
		
		
		Maison-Hantee.com : Alister Kayne croise le chemin d’un parapsychologue, 
		le Comte Logothati, qui lui dit : « le véritable scientifique n’a pas de 
		préjugés et doit être en mesure d’enquêter sur n’importe quel 
		phénomène ! ». Cette démarche a-t-elle aujourd’hui un sens ou le 
		surnaturel n’est-il devenu qu’un sujet de fiction, plus ou moins bien 
		traité ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		J’ai été surpris de constater que beaucoup de mathématiciens, 
		scientifiques, ont des quêtes quasi mystiques dans leur domaine. Ils 
		cherchent la perfection, l’harmonie, la beauté. En outre, quand ils 
		trouvent une équation qui atteint ces objectifs, ils lui vouent une 
		adoration quasi religieuse. La science n’est pas éloignée de l’art, elle 
		aussi demande des ressources d’imagination et de créativité de la part 
		des ses représentants. Et il n’est pas rare qu’un scientifique se 
		convertisse, ou découvre sa spiritualité au bout de ses recherches. Je 
		ne sais pas si je réponds à la question, là ? 
		
		Eric Henninot : 
		Je n’ai pas l’impression que ce soit désormais une question 
		fondamentale. L’effet de mode à l’époque était très puissant, tout comme 
		dans les années 60 pour la conquête spatiale, ou les américains et les 
		russes se tiraient la bourre. Le contexte était très propice à ce que 
		l’énergie d’un grand nombre se focalise sur certains sujets. Je ne vois 
		pas trop l’état voter aujourd’hui des budgets pour la recherche sur le 
		paranormal. La démarche scientifique ne m’en semble pas moins 
		intéressante en ce domaine. 
		
		
		Maison-Hantee.com : L’épisode de la Tour Eiffel fait partie de mes 
		préférés car il souligne le besoin de sensationnalisme et de publicité 
		que peut engendrer le surnaturel. Pensez-vous que les médias ont 
		succombé définitivement à cette tentation ? Quel programme ou œuvre de 
		fiction trouve encore grâce à vos yeux d’artistes ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Je ne comprends pas bien. On parle du sensationnalisme dans les médias 
		en matière de surnaturel ? Les quelques émissions "d’enquêtes" que 
		j’ai pu voir sur M6, faisant un état des lieux sur le surnaturel 
		aujourd’hui, sont assez ridicules. Puisqu’ils cherchent du sensationnel 
		mais ne trouvent jamais rien. 
		
		Eric Henninot : 
		Pour moi, c’est une évidence : le sensationnel est devenu le seul 
		objectif pour les grands médias. Ils ne cherchent pas à nous apprendre 
		quoi que ce soit et encore moins à nous informer, ils veulent juste 
		"rendre les cerveaux disponibles pour Coca-Cola". Quand on y réfléchit 
		c’est absolument effrayant, le patron de TF1 sort ça et personne ne 
		réagit. Le grand somnifère a gagné ! Dans ce cas là, tout est bon : le 
		surnaturel, les monstres, l’indécence (je ne parle pas du cul, c’est 
		plus vraiment indécent) 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Dans les séries, je trouve qu’il y a de bonnes choses quand ça flirte 
		avec le surnaturel. Je pense à certains épisodes de X Files, de 
		l’ambiance de Lost. Je suis assez admiratif de la façon dont les 
		Japonais traitent le fantastique, sans jamais chercher, comme nous 
		autres cartésiens-génétiques, à l’expliquer. Spirale en BD, les 
		films genre Dark Water, Kairo, Ring évidemment, 
		etc. En fait, il y a plein de bonnes choses à prendre en picorant. Je 
		suis particulièrement sensible aux œuvres qui traitent le fantastique de 
		façon réaliste, avec un fort ancrage dans la réalité. 
		
		
		Maison-Hantee.com : A la fin du tome 1, Alister Kayne embarque sur un 
		bateau qui porte le nom d’Harry Price. Avez-vous glissé d’autres clins 
		d’œil dans votre série ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Eric répondrait mieux là dessus… 
		
		Eric Henninot : 
		Oui, y’en a mais on ne vous dira rien ! (Rires) 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Il y a un autre clin d’œil visuel sur la fameuse photo rassemblant 
		Houdini, Conan Doyle et Kayne sur le pont d’un bateau. La première fois 
		que l’on voit cette photo dans la première scène du tome 1, Alister 
		porte une veste. La seconde fois que l’on voit cette photo, au moment où 
		elle est prise en 1922, dans le tome 2, Alister porte un manteau. Cette 
		petite anomalie "temporelle" signifie subrepticement qu’Alister-fantôme 
		a déjà réussi à dévier le cours de sa vie, sans qu’il en ait encore 
		conscience. Un détail a changé entre ce qu’il a vécu et ce à quoi il 
		assiste. Alister-fantôme est sur la bonne voie. Par sa présence, il fait 
		vivre des évènements inédits à son double vivant. 
		
		Eric Henninot : 
		On a dit qu’on ne disait rien ! 
		
		
		Maison-Hantee.com : A Munich, la séance spirite à laquelle participent 
		Kayne et Logothati évoque les expériences menées par le Baron von 
		Schrenck-Notzing sur le jeune Willy Schneider, en 1919. Comment 
		travaillez-vous ce rapport entre des faits historiques authentiques et 
		votre fiction ? Y a-t-il d’autres références à l’histoire de la 
		parapsychologie ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Cette séance est, en effet, ouvertement référencée aux séances du Baron 
		Schrenck-Notzing, et elle reprend le compte-rendu qu’en a fait 
		l’écrivain Thomas Mann, après avoir été convié par le baron lui-même à 
		assister à ses séances. Il y a d’autres références dans ce tome, mais 
		elles sont plus diffuses. Amalgames entre plusieurs sources et lectures 
		réparties sur plusieurs années. Je pense notamment à cette histoire de "momificateur 
		de viande" qui a été étudié en France par le professeur 
		Richet, si ma mémoire ne me fait pas défaut. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Dans le tome 1, on aime beaucoup la planche de la 
		maison hantée où on suit l’exploration d’Alister et de Simon sur une 
		même page, dans une lecture circulaire. Cette technique déroutante qui 
		associe avec originalité graphisme et narration revient dans le tome 2 
		avec la scène du passeur, après le rituel de Blocksberg. Comment 
		collaborent un scénariste et un dessinateur sur une bande dessinée ? Y 
		a-t-il eu des désaccords ? Dans ce cas, quel fut le prix d’un 
		compromis ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Le scénariste, non "dessineux" que je suis, gribouille un crobar 
		(croquis un peu simpliste) pour ces pages particulières sur lesquelles 
		Eric se base pour les réaliser. Et heureusement qu’il les complexifie 
		puisque les lois de la perspective, du nombre d’or et des divines 
		proportions me sont totalement étrangères ! 
		
		Eric Henninot : 
		Pas de désaccord ! De toute façon, c’est moi qui décide ! (Rires) 
		Blague à part, oui, il y a parfois des désaccords, mais nous avançons 
		chacun nos arguments de la façon la plus constructive possible en 
		faisant confiance à l’autre pour prendre la meilleure décision en 
		connaissance de cause. Pour trancher de toute façon, le scénariste a le 
		dernier mot sur le scénario et le dessinateur sur le dessin. 
		
		
		Maison-Hantee.com : « Dans ce monde comme dans l’autre… », cet épisode 
		plus sombre de la vie d’Alister Kayne a-t-il eu des répercussions sur 
		les choix graphiques ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Bien évidemment. Eric a pris plus de liberté, son dessin a pris plus 
		d’ampleur et j’ai volontairement écrit des scènes qui seraient plus 
		axées sur le visuel que sur les rebondissements narratifs (je pense 
		notamment aux premières scènes). 
		
		Eric Henninot : 
		Pas spécialement. Je suis un dessinateur débutant et je cherche 
		simplement à faire mon travail du mieux que je peux. Je suis en plein 
		apprentissage, je n’en suis pas encore au stade ou je peux me permettre 
		de faire des choix graphiques. Le dessin commande, Je n’ai pas une 
		technique suffisante pour avoir cette liberté là. Ceci étant dit, il est 
		clair aussi que j’essaye toujours à travers le dessin de faire passer 
		les émotions que Stéphane veut faire passer, mais ce n’est pas une 
		question de graphisme à proprement parler, mais de cadrage et de mise en 
		scène. 
		
		
		Maison-Hantee.com : A la fin du tome 2, Alister Kayne invite, par caméra 
		interposée, ses détracteurs à suivre ses investigations à travers son 
		futur "laboratoire de recherches psychiques". Mais son fantôme semble 
		vouloir suivre un tout autre chemin. Faut-il y voir une porte ouverte 
		sur le tome 3 que l’éditeur pourrait avoir à refermer ? 
		
		Eric Henninot : 
		Oui bien sûr, la fin du tome 2 n’est pas la fin de l’histoire et elle 
		pose clairement les enjeux du 3. Quand à savoir ce que compte faire 
		l’éditeur…. 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Comme je disais au début, je suis très attaché au « To be continued ». 
		Et le « The End » a été écrit. Reste un coup de pouce du destin et un 
		engouement des lecteurs pour nous aider à concrétiser ce vœu qui nous 
		est cher : un troisième et dernier album pour clore l’histoire d’Alister 
		Kayne. 
		
		Eric Henninot : 
		Et puis je suis actuellement sur une autre série. Alors, dans 
		l’éventualité où Albin Michel voudrait faire le 3, il me faudra jongler 
		avec 2 séries. Ce qui risque de ne pas être une mince affaire. Mais bon, 
		on verra à ce moment là. 
		
		
		Maison-Hantee.com : Le comte Logothati qui n’a pas révélé toutes ses 
		intentions, l’énigmatique Miss K. dont l’avenir semble tragique, le 
		retour de Houdini et de Conan Doyle, le mystérieux manipulateur dans 
		l’affaire des fées de Cottingley,… Alister Kayne a encore tant 
		d’aventures à vivre et de secrets à nous révéler. Quel que soit le 
		destin de la série, pouvez-vous révéler, en avant-première, quelques 
		clefs du tome 3 ? 
		
		Stéphane Betbeder : 
		Je vous joins les pages dessinées de la première scène ainsi que le 
		découpage et dialogue de cette scène en preview du 3ème 
		album. 
		
		Fin de 
		l'entretien 
		
		
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		Tome 3 : Les 
		fantômes rêvent-ils ? 
		
		En avant-première, Stéphane Betbeder 
		nous a confié quelques planches dessinées de la première scène du 
		prochain tome. Une silhouette, qu'on devine petit à petit être Alister 
		Kayne (vivant ou fantôme ?), descend une colline en direction d'un vieil 
		arbre, planté au milieu d'un champ. A l'ombre de ses branches, Arthur 
		Conan Doyle lit un magazine. Il attend un visiteur pour le thé. Alors 
		que Kayne s'adresse à lui, Doyle reste muet.  En réponse à une 
		vieille querelle ? Ou simplement parce qu'il ne le voit pas ? Apparaît 
		soudain un autre protagoniste de la série, le magicien Houdini. 
		L'incongruité de la situation et les échanges qui s'en suivent entre les 
		personnages laissent le lecteur perplexe. Qui est réel ? Qui ne l'est 
		pas ? A l'instar des opus précédents, l'introduction du tome 3 nous 
		oblige à perdre pied quelques instants. Voici, en exclusivité pour 
		Maison-Hantee.com, quelques vignettes, prélevées sur les premières pages 
		d'un album en devenir. Elles sont dans l'ordre chronologique mais ne se 
		suivent pas directement dans la version finale. O.V. 
		
		
			
				
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		Dessins publiés avec 
		l'aimable autorisation des auteurs. Toute reproduction interdite. 
		
		
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		Cinq questions 
		existentielles à Stéphane et Eric 
		
		
		
		Ce que vous lisez ? 
		
		
		Stéphane : 
		Je découvre Borges à travers des œuvres comme l’Aleph et 
		Histoires de l’Infamie. Je suis impressionné par sa façon de 
		façonner des mythologies fictives et de construire des récits. Je relis 
		aussi le K de Buzzati que je redécouvre puisque je ne l’avais pas 
		lu depuis l’adolescence. Je suis sensible aux nouvelles, puisque je peux 
		les lire d’une traite et passer d’un auteur à l’autre sans avoir à 
		revenir sur les pages précédentes pour retrouver le fil de l’histoire. 
		
		
		Eric : 
		Euh... des 
		livres 
		
		
		
		Ce qui vous énerve ? 
		
		
		Stéphane : La peur. Peur des autres. 
		Peur de l’Europe. Peur de la Chine. Peur des musulmans. Peur des 
		migrants. Peur du  voisin. Etc. 
		
		Eric :
		Les 
		gens qui ne se foulent pas pour répondre aux questions qu'on leur pose ! 
		
		
		
		Ce qui vous fait peur ? 
		
		
		Stéphane : Mes cauchemars 
		
		Eric :
		Ce 
		que je pourrais dire ici et qui immanquablement se retournera contre moi 
		un jour 
		
		
		
		Avez-vous déjà été confronté au surnaturel ? 
		
		
		Stéphane : Oui. Avec Christophe Bec, 
		nous avions formé un cercle spirite pendant un an à Angoulême. Et il y a 
		eu des hasards, des sensations, des visions auxquelles je préfère ne 
		plus penser aujourd’hui. 
		
		Eric :
		Par 
		amis interposés uniquement 
		
		
		
		La question qu’on ne vous a jamais posée ? 
		
		
		Stéphane : Celle-ci. Et je n’ai pas 
		de réponse qui me vienne. 
		
		
		Eric : 
		Mais où allez vous 
		cherchez tout ça ? 
		
		
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		Lire aussi : 
		
		L'interview d'Eric Henninot sur "Alister Kayne" Tome 1  |