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A l’entrée de la Vallée de la Loire, la capitale de l’Anjou cache bien son jeu. Derrière sa fameuse "douceur angevine" et sa modernité culturelle, elle dissimule un patrimoine ancestral et une géographie secrète. Sur son blason, on peut distinguer une "clef d’argent", celle qui ouvrait les portes du royaume, vestiges d’une histoire marquée par les sièges. Mais c’est la clef du mystère que nous avons empruntée à la ville pour décoder ses énigmes d’outre-tombe. Du "bon roi René", féru d’occultisme, aux symboles des alchimistes gravés sur les murs de demeures philosophales, sans oublier les sociétés secrètes, protectrices de trésors oubliés, et les fantômes de personnages légendaires qui hantent encore les rues du vieil Angers, nous avons suivi la ligne magique qui traverse celle qu’on appelle la "ville noire", à cause de ses remparts de pierre et ses toits d’ardoise. Mais si la vraie raison de ce surnom était ailleurs…

Texte et photos par Olivier Valentin

Parfois, il faut savoir relever les défis, comme celui de partir sans indice à la conquête des mystères d’une ville de France. Par un heureux concours de circonstances, je me suis retrouvé sur le quai de la gare Saint-Laud, à Angers, par une chaude après-midi de juin. C’était un vendredi. Après avoir posé mes valises pour le week-end dans ma chambre d’hôtel, à la climatisation hésitante, je me suis jeté dans les rues ensoleillées du centre-ville, évitant les nombreux étudiants, manifestement très à l’aise dans ce dédale de vieilles pierres et de façades à colombage.

Suivant à l’instinct, mais avec détermination, le chemin de l’office du tourisme (1), en quête d’une carte de la ville et de quelques conseils de visite, je m’arrête chez un bouquiniste, rue Toussaint.

« Avez-vous un bon livre sur les mystères d’Angers ? »

« Les mystères ? Vous voulez dire les légendes et autres histoires insolites de la ville ? Non, désolé. D’ailleurs, à ma connaissance, je n’ai jamais rien vu à ce sujet. Allez voir à l’office du tourisme. »

Pourquoi diable avais-je choisi d’explorer la capitale de l’Anjou qui, malgré quelques bonnes curiosités historiques, dixit le Guide du Val de Loire mystérieux (2), ne se vantait d’aucune histoire de fantômes ?

A l’office du tourisme, mon enthousiasme ne fait pas long feu. Hors des sentiers battus, point de salut. Au guichet, on me remet mon dépliant touristique où la cité angevine se révèle dans les grandes lignes. Pour une lecture secrète, interrogez les façades de quelques demeures alchimiques ! Mais il n’y a pas de Da Vinci Code à Angers ! Et pourtant…

Le Angers mystérieux se cache derrière un masque. Sa cure de jeunesse (plus de 30 000 étudiants !) n’a pas eu raison de ses origines préhistoriques et ses péripéties médiévales, terreau de sa "petite histoire".

Je me dirige donc là où tout a commencé : au château, où d’ailleurs un cairn (sépulture sous un tertre de pierre) a été découvert récemment sous la cour des seigneurs.

La forteresse noire

Après avoir décrit sa circonférence pour contempler ses puissantes murailles et ses dix-sept tours noires et blanches (3), hautes d’une trentaine de mètres, je pénètre dans l’enceinte de cette impressionnante citadelle médiévale, par la promenade du "Bout-du-Monde", une terrasse ombragée qui se termine par un à-pic vertigineux sur la Maine.

Le château d’Angers (4) est souvent comparé aux kraks des chevaliers, ces édifices fortifiés construits en Palestine et en Syrie par les croisés. Paré d’un système défensif révolutionnaire, le château fut bâti en un temps record, de 1220 à 1240, sur ordre de Blanche de Castille et du futur Saint-Louis.

Je passe le pont-levis, jeté au-dessus de profonds fossés, et franchis la grille.

A cet instant, je ne sais rien de cette forteresse noire. D’après l'administratrice que j’avais contactée par téléphone quelques jours auparavant, il n’y a pas de revenant au château d’Angers ! A l’exception d’une gigantesque tapisserie qui fait la réputation du lieu et de quelques anecdotes architecturales, rien de très mystérieux entre ces remparts d’ardoise et de schiste…

Est-ce bien mal connaître le patrimoine de l’étrange ou la volonté délibérée de protéger certains secrets ?

Après avoir traversé hâtivement la cour centrale, je rejoins le guide à l’ombre du châtelet qui abrite les bureaux administratifs. Préservant pour l’instant le vrai sens de ma visite, je me laisse porter par l’histoire épique du château.

Rassemblés en petit comité autour de quatre maquettes qui rendent compte de l’évolution des fortifications au gré des usages et des sièges, nous jouons les funambules sur une ligne chronologique qui remonte à – 4 000 !

Le prince de l'ésotérisme

Pour un parcours complet, je renvoie le lecteur au guide de visite (5), en vente à la boutique du château. C’est le XVème siècle qui doit retenir toute notre attention, avec l’influence d'un personnage qui restera longtemps dans les annales de la ville : le "bon roi René d’Anjou". Ce mécène amateur d’art, de peinture, de musique et de littérature, qui laissait toute une ménagerie gambader dans l’enceinte de son château, fut aussi le prince de l’ésotérisme. Les auteurs du livre L’Enigme sacrée (6), dont Dan Brown se serait inspiré pour son Da Vinci Code, lui attribue même le titre de grand maître du Prieuré de Sion, entre Nicolas Flamel et Yolande d’Anjou.

Auteur de plusieurs ouvrages qui flirtent avec l’occultisme, le roi René s’est très vite intéressé au mystère des Templiers : le Saint Graal. La famille d’Anjou se serait liée, depuis les croisades, aux Saint-Clair, fondateurs du royaume de Jérusalem et descendants présumés du roi David, en filiation directe avec le Christ ! On comprend alors pourquoi le roi René a mené, en 1448, des fouilles à l’église des Saintes-Maries, en Provence, pour retrouver les reliques de Marie-Madeleine…

Spécialiste de la chevalerie et membre de l’ordre de la Toison d’or, le roi René fonda son propre "Ordre du Croissant" dont on peut voir les armoiries dans une ruelle du vieil Angers.

Féru d’alchimie, il aurait aussi côtoyé François Prélati, l’alchimiste florentin qui, aux côtés de Gilles de Rais, se livrait à de macabres expériences pour trouver le secret de la vie éternelle dans le sang de jeunes enfants. Alors que "l’ogre de Tiffauges" fut pendu en 1440, Prélati fut seulement condamné à la prison, dont il s’échappa pour trouver refuge à Angers auprès du duc d'Anjou. Parmi ses autres protégés, on trouvait aussi un médecin-astrologue juif, Jean de Saint-Rémy, grand-père de Nostradamus et spécialiste de la cabale, ainsi qu’un historien, César de Nostradamus, fils de l’auteur des célèbres prophéties.

Avec un tel aréopage de mystérieux conseillers, il est dommage de ne pas entendre, même à voix basse, la moindre allusion au passé ésotérique du "bon roi René".

Révélations !

Pour offrir au visiteur sa dose d’émotion, le guide nous entraîne dans la grande galerie du château où est exposée, depuis 1952, la plus ancienne et la plus grande tapisserie du monde : la Tenture de l’Apocalypse. Réalisée à partir de 1377 pour illustrer le texte biblique de l’Apocalypse de Saint-Jean (mot d’origine grec signifiant "révélation" et non "fin du monde" !), elle fut commandée par Louis 1er, duc d’Anjou, et dut souffrir plusieurs siècles de mauvais traitements, à l’instar des Chrétiens dont elle représente l’histoire prophétique. Je me garde bien d’en faire ici le commentaire. Il faut passer les doubles portes qui protègent ce trésor de la lumière et de la chaleur, et contempler les 75 tableaux restants, véritables mines de symboles ésotériques, décryptés par le guide, pour en apprécier toute la valeur.

La visite commentée s’achève. Je me présente au guide et lui demande de me parler des légendes de la forteresse. Préparant une visite thématique sur les geôles du château (7), il accepte de me conduire dans l’une des tours, la Tour du Diable (tour n°17), surnommée aussi "tour des fous" pour avoir hébergé un asile d’aliénés. Le château d’Angers est connu pour avoir été une prison inexpugnable. On y enferma des marins, des soldats anglais, des prisonniers politiques et même le surintendant Fouquet, arrêté à Nantes par d’Artagnan en personne, sur ordre de Louis XIV.

La marque du diable

Emportés par le goût du mystère, nous descendons dans le cachot de la "tour 13". Les murs sont incrustés de graffitis, grattés dans la roche. Les âmes des anciens prisonniers se réveillent peu à peu. Urbain Grandier, curé de Loudun, incarcéré quatre mois à Angers pour sorcellerie a-t-il résidé dans cette pièce sombre et humide ? Suspecté de pactiser avec le diable pour effrayer les religieuses du couvent des Ursulines, il est interrogé sans relâche pendant plus d’une semaine par un conseiller du roi Louis XIII. Est-il responsable des phénomènes mystérieux, maléfices et possessions démoniaques, qui frappent dix-sept d’entre elles en septembre 1632 ? Un procès conclut à la culpabilité du curé Grandier, qui périt sur le bûché à Loudun, le 18 août 1634. On raconte qu’une mouche noire vint s’écraser sur le livre des exorcismes au moment même où le condamné baisa le crucifix pour expier ses péchés. Une marque du Diable ?

Les possessions n’auraient même pas faibli avec la mort du "sorcier" de Loudun. Et la malédiction de Grandier ne s’arrête pas là. Le prêtre capucin, d’origine angevine, qui avait interrogé brutalement le suspect meurt d’une crise de démence en 1638. A l’instar du dernier Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay, le bourreau fut sans doute convoqué devant Dieu par sa victime avant qu’elle ne périsse dans les flammes. En réponse à cette rumeur, un médecin protestant de Saumur dénonce cette affaire comme une vaste supercherie. A ce jour, le mystère n’est toujours pas levé…

Après avoir échangé quelques mots avec l’administratrice – qui ne voit aucune énigme au château à l’exception de la forme curieuse d’un arbre du jardin ! –, je déambule librement dans les allées et les couloirs. Prenant un peu de hauteur, je longe les remparts, suivant le chemin de ronde, de tour en tour. La plus haute, la Tour du Moulin (tour n°1, voir photo ci-après), offre une vue imprenable sur la ville d’Angers.

Un fantôme expatrié

C’est ici qu’il faut conter l’incroyable histoire de Foulques Nerra, célèbre comte d’Anjou du haut Moyen-âge qui, soupçonnant d’infidélité sa première épouse Elisabeth, la fait précipiter dans la Maine, du haut des remparts. Alors qu’elle réchappe miraculeusement à sa chute, son époux la fait brûler vive sur un bûché dressé devant la cathédrale. Mais le feu s’étend à la ville d’Angers. Un signe divin qui confirme l’innocence d’Elisabeth ?

Vingt-huit ans après, c’est au tour d’Hildegarde, la troisième épouse du redoutable chevalier, d’être suspectée d’adultère. Elle se jette elle-même dans le fleuve pour prouver sa vertu. Alors qu’elle atteint sans mal l’autre berge à la nage, elle découvre une statue de la vierge dans un buisson. Sensibles à un nouveau message divin, les époux décident d’ériger un monastère. Les ruines de l’Abbaye du Ronceray, dans le quartier de la Doutre, sont les vestiges de cet édifice votif.

Foulques Nerra participe à d’autres "prodiges" avant d’entrer dans la légende en 1040, à Metz, où il trouve la mort à l’âge de 70 ans. Armé d’une épée et revêtu d’une armure, son fantôme ne hanterait pas les hautes murailles de la forteresse angevine mais celles de Chaumont-sur-Loire, dans le Loir-et-Cher, certaines nuits sans lune.

L’âme du chevalier noir aurait-elle trouvé refuge dans le château qu’il n’a cessé d’assiéger, de son vivant, pour prendre Blois ?

Tel un conquérant qui finit de son contempler son territoire, je redescends les marches étroites de la Tour du Moulin pour emprunter le chemin de garde.

Un sortilège de protection ?

Comme protégé par un étrange sortilège, le château d’Angers a toujours résisté aux tentatives de destruction. Pendant les guerres de religion, le roi Henri III ordonne de raser la citadelle pour éviter qu’elle ne tombe entre des mains protestantes. Mais le gouverneur de l’époque prend tellement son temps pour lui obéir que le château est épargné. Seules les tours sont décapitées.

Lors de la seconde guerre mondiale, le château est transformé en dépôt de munitions par les allemands. Alors que des espions apprennent qu’Angers fait partie des cibles de bombardements alliés, le matériel explosif est évacué. Dans la nuit du 24 au 25 mai 1944, trois bombes s’écrasent sur le château, provoquant dégâts et incendies, moins lourds de conséquences que si les explosifs étaient restés en ses murs…

Les "Chevaliers du Croissant"

La forteresse se vide. Les grilles vont bientôt fermer. Je rejoins le centre-ville par la rue Saint-Aignan. A l’angle qu’elle forme avec la rue des Filles-Dieu, je tombe sur l’ancienne maison de l’ordre du Croissant, aujourd’hui "logis de l’estaignier". Au-dessus de la porte, je peux lire la devise des chevaliers, "Los en croissant" (les louanges vont croissant), surmontée d’une "escarboucle", un écu orné de huit rais fleurdelisés rayonnant autour d’un cercle. Créé en 1448 par le roi René, l’ordre du Croissant assurait la protection des angevins. C’était surtout une société secrète, les "Chevaliers du Croissant" du roi René, qui pratiquait des cérémonies rituelles à la mémoire du patron de l’ordre, Saint-Maurice, un moine-soldat, mort en martyr et qui donna son nom à la cathédrale d’Angers. C’est d’ailleurs là que continue notre route des mystères angevins…

A l’entrée de la cathédrale, je lève les yeux vers le clocher central. A sa base, on peut apercevoir les statues de Saint-Maurice et de ses sept compagnons d’armes qui furent exécutés au 4ème siècle par l’Empereur Dioclétien pour avoir refusé l’ordre de détruire des villages chrétiens.

Messe d'outre-tombe

Je pousse la porte et m’engouffre dans la fraicheur de l’édifice. Soudain, je me sens projeté plusieurs siècles en arrière. Devant moi, la silhouette d’un gantier prend forme. Il vient d’entrer dans la cathédrale. Alors qu’il était venu prier pour un de ses amis à l’agonie, l’artisan s’endort et se laisse enfermer. Aux douze coups de minuit, il se réveille. Un curé s’apprête à dire la messe.

Recouvert d’un drap noir, l’autel est éclairé par deux bougeoirs en forme de têtes de mort. Je m’approche du prêtre. A ma grande stupéfaction, il s’agit d’un squelette sous une longue chasuble noire. Le gantier prend peur et s’évanouit. L’image se brouille. Nous sommes à présent le lendemain matin. Le pauvre homme reprend connaissance. Hanté par ce souvenir lugubre, il confesse sa vision. On lui conseille de demander au fantôme ce qu’il veut. Il s’exécute le soir même. A minuit, l’épouvantable spectacle reprend. Malgré sa peur, le gantier s’adresse au spectre et lui propose son aide. L’apparition lui confie qu’il est mort depuis bien longtemps sans avoir pu dire une messe à l’intention d’un défunt. Depuis, le paradis lui est interdit jusqu’à ce qu’il trouve une âme charitable qui accepte de participer à son office d’outre-tombe. Le gantier lui propose de prendre part à cette prière des morts.

A l’issue de la célébration, il aperçoit deux formes blanches et lumineuses s’élever dans la cathédrale. Le prêtre-fantôme a disparu. L’image du gantier s’efface à son tour. Je me retrouve seul, dans la nef, emporté par mon rêve. Je viens d’être victime de la légende du curé fantôme.

Le spectre du Haut Pressoir

A Angers, les histoires de fantômes sont plutôt rares. Et même si elles existent, on préfère les oublier. Comme celle de l’ancien "Château du Diable" qui se dressait autrefois derrière l’église de la Madeleine, rue du Haut Pressoir. Il ne subsiste plus rien aujourd’hui de cette demeure maudite que l’on disait hantée par le fantôme de son dernier propriétaire. Jusqu’au coup de grâce donné en 1978 par les démolisseurs de ces ruines que seuls les clochards osaient fréquenter.

Un roman a pourtant été écrit par un certain René Rabault pour retracer les mystérieuses aventures de la tour du diable (8).

D’après l’auteur, un riche Angevin, Armand Langotière, convertit une demeure familiale en château néo-gothique, au milieu du 19ème siècle. Il tombe amoureux d’une jeune fille qui préfère rejoindre les religieuses du couvent d’en-face plutôt que de céder à ses avances. Du haut de sa tour crénelée, l’amant éconduit espionne les bonnes sœurs et envoie, enroulés autour de cailloux, des messages à sa bien-aimée. Mais ce qui aurait pu ressembler à une parodie de Roméo et Juliette va peu à peu dégénérer en une sombre histoire de sorcellerie.

Fasciné par Gilles de Rais et l’irrationnel, Langotière se plonge dans des ouvrages de magie noire. Il sculpte sur les murs de son château des figures obscènes de diablotins abusant de jolies jeunes femmes. Sur la terrasse de la grande tour, il anime un gigantesque mannequin, au milieu d’un grand brasier, pour singer le diable et effrayer les locataires du couvent de la Retraite. Dans son livre, René Rabault décrit la mise en scène : « Il maintient l’effroi dans le voisinage par des passages de flambeaux, de lueurs étranges derrière les fenêtres la nuit, par des fumées s’échappant le jour entre tous les volets entrebâillés. Il entretient avec insistance près de ses jardiniers et servantes la crainte du grand diable dormant sous le château maudit. »

Au couvent comme en ville, la plaisanterie n’amuse pas du tout. Déjà soupçonné d’avoir maquillé en suicide le meurtre de son père, retrouvé pendu dans une chambre du château en mars 1852, Langotière est victime de la rumeur locale qui l’accuse aussi d’inceste avec sa propre sœur Lazarine. Il est condamné à l’exil. Après plusieurs années, il revient mourir au château le 10 octobre 1870, à l’âge de 48 ans. Mais, toujours d’après René Rabault, une malédiction continue de peser sur la famille Langotière, victime de « morts suspectes, paternités clandestines, drames de famille, épreuves, égarements, hantises qui ne disparaîtront qu’en 1956 avec la mort de la fille naturelle du sinistre personnage. »

Ceux qui vont mourir vous saluent... encore !

Les lieux les plus hantés de la ville n’ont plus pignon sur rue. De nombreux vestiges ont désormais disparu, à l'exception de quelques traces archéologiques. Rue des Arènes, il ne reste quasiment plus rien du grand "amphithéâtre de Grohan" construit par les Romains au premier siècle de notre ère dans le quartier Bressigny.

Or, 6 000 spectateurs pouvaient assister jadis aux jeux du cirque particulièrement sanglants. Le poète français du XVIème siècle, Charles de Bourdigné, écrivait que, dans les ruines de l’édifice, « les habitants et anciens du pays disent par plusieurs fois avoir vu maintes visions et phantômes ». Les âmes en peine des gladiateurs ayant versé leur sang sur le sable du Grohan ?

En compagnie d’un guide de la ville, je consacre l’après-midi du samedi à parcourir les vieilles rues médiévales du centre historique. Chaque façade livre timidement ses secrets, empruntés soit à l’alchimie comme la Maison d’Adam, derrière la cathédrale, soit au spiritisme comme le théâtre actuel, érigé en 1869 à l’emplacement d’un premier théâtre où furent jouées les pièces d’Eugène Bonnemère, un ardent défenseur de la doctrine d’Allan Kardec.

De la clef de l'immortalité...

C’est au Jardin des Plantes, le dimanche matin, que je succombe à d’ultimes rêveries. Face à la statue du savant Angevin Michel-Eugène Chevreul, je m’interroge sur son sourire pincé. A quoi pense-t-il ?

Un détail insolite pique ma curiosité. D’après les dates gravées sur le socle, le chimiste est né en 1786 et mort en 1889… à l’âge de 103 ans !

L’homme qui prétendait être « le seul être vivant qui ait causé avec une personne ayant adressé la parole à Louis XIV » (9) aurait-il percé le mystère de l’or philosophale et de l’élixir de jouvence ? Ou a-t-il simplement hérité de ses parents, morts tous deux à 90 ans passés, des gènes de la longévité ? Tout comme le célèbre Camille Flammarion, la science florissante du XIXème siècle a naturellement conduit Chevreul à s’intéresser aux sciences occultes.

Auteur en 1854 de La baguette divinatoire, le pendule explorateur et les tables tournantes, il a fréquenté l’alchimiste Fulcanelli. Sa dépouille est enterrée dans le Val-de-Marne mais sa silhouette de professeur Nimbus continue d’accueillir les promeneurs du Jardin des Plantes, en quête d’une "seconde jeunesse" !

... à la clef du mystère !

Dans le train qui me ramène à Paris, je comprends mieux pourquoi une "clef d'argent" orne le blason de la ville d’Angers.

C’est la clef du mystère qui ouvre les portes d’une cité magique dont les secrets sont désormais enfermés dans les livres et les pierres. Pour des raisons plus ou moins louables, Angers a inspiré de nombreux amateurs d’ésotérisme. Sans doute car, à l’origine de la ville, se trouvait un lieu de sépulture érigé par les premiers Chrétiens, à l’emplacement d’un ancien étang asséché, que des fouilles ont permis de mettre à jour.

De là, le développement de la cité a relevé du sacré, lui offrant ainsi une géographie secrète, des pouvoirs magiques et des mystères d’outre-tombe…

…qu’aujourd’hui encore, on cherche à préserver !

O.V.

Remerciements : Elisabeth Dreyfus, administratrice du Château d'Angers, et son guide Eric Desboudard, Jacques Rondeau (guide-conteur) et le service presse de l'Office du Tourisme d'Angers.

La plupart des légendes et anecdotes de ce reportage sont extraites de l'excellent livre de Pierre-Louis Augereau, Angers mystérieux (collection Les Cailloux Blancs, Editions Cheminements, 2004).

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(1) http://www.angersloiretourisme.com/

(2) Guide du Val de Loire mystérieux, Collectif, Les Guides Noirs, Editions Tchou Princesse, 1980

(3) Pour faciliter l'identification de chacune des tours, elles sont numérotées de 1 à 17 dans le sens horaire, en partant de la Tour du Moulin.

(4) Château d'Angers, 49100 Angers. Tél : 02 41 86 48 77. Web : www.monum.fr

(5) Le château d'Angers, Collection Itinéraires, Editions du patrimoine Monum

(6) L'énigme sacrée, de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln, Collection Aventure secrète, Editions J'ai Lu, 2005, pages 466 et 467

(7) A partir de mi-août 2006, Eric Desboudard propose une visite du château d'Angers sur l'incarcération, du 14ème au 20ème siècle. Ce parcours thématique d'une heure environ (inclus dans le tarif d'entrée) revient sur les conditions de détention des prisonniers, de la chapelle à la "tour des fous", en passant par le logis du Gouverneur où a été détenu Fouquet. Pour les "amateurs" de torture médiévale, découvrez comment Louis XI enfermait certains prisonniers politiques, comme le cardinal La Balue au château de Loches (Indre-et-Loire), dans une cage de fer, étrangement baptisée "fillette"...

(8) Le roman de la Tour du Diable, René Rabault, Editions Siraudeau, 1983

(9) D'après Pierre-Louis Augereau, auteur de Angers mystérieux, Chevreul faisait référence à "Mgr de Beaumont qui, à l'âge de huit ans, avait dîné avec le roi".

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