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Passionnée de lettres, d’histoire et de contes fantastiques, Béatrice Bottet est tombée dans une marmite de potion magique quand elle était petite.

A quelques jours de la sortie d’un nouvel album illustré sur les Fantômes, spectres et autres revenants*, publié chez Casterman, Maison-Hantee.com a voulu décrypter les ingrédients du chaudron qui ont nourri et nourrissent encore l’auteur d’une série de romans à succès pour la jeunesse, le Grimoire au Rubis. Rencontre avec un écrivain, empathique et généreux, qui parle beaucoup des autres, un peu d’elle-même, mais surtout des littératures de l’imaginaire. Pour elle, le monde moderne est réenchantable. Car il n’a jamais cessé d’avoir la conscience d’un monde parallèle, peuplé de créatures fantastiques. Or, les jeunes lecteurs portent aujourd’hui en eux les stigmates de ces univers magiques qui ne demandent qu’à renaitre. Heureusement qu’il y a des artistes de talent, comme Béatrice Bottet, pour leur donner des coups de pouce et, grâce au fantastique, un nouveau regard sur la réalité qui nous entoure. En voici la recette !

Propos recueillis par Olivier Valentin

Le don de l’écriture

« Depuis toute petite, j’aime écrire. Mon premier prix littéraire date du primaire. La directrice de l’école m’avait remis une récompense en échange d’une rédaction. C’est alors devenu mon exercice de style pour libérer l’imagination. Puis, à 12 ans, je me suis lancée dans l’écriture de récits historiques et de science-fiction. Plutôt des débuts de romans car je n’avais pas assez de consistance pour aller au bout. Par contre, j’ai toujours écrit pour moi, sans penser un jour être publiée. Avoir son nom sur un bouquin était une idée aussi délirante qu’être princesse. En outre, le contemporain ne m’intéresse pas. Je préfère le Moyen-âge. Ma première vraie histoire fut celle d’un chevalier banni au temps des cathares. Mais personne n’a jamais voulu de mon manuscrit ! J’étais professeur de lettres et d’histoire à cette époque. L’histoire est donc une véritable passion. D’ailleurs, je viens de finir la lecture d’un ouvrage historique sur l’affaire des poisons. Un vrai coup de cœur ! »

L’héritage du père

« Mon goût pour le réalisme fantastique et les traditions de l’étrange me vient, entre autres, de mon père qui lisait la revue Planète et nous racontait des histoires, à table. Dirigée par Louis Pauwels, cette collection de magazines réunissait des nouvelles fantastiques et des dossiers consacrés à l’étrange et au paranormal. Et je suis tombé dedans, souvent en cachette. A 18 ans, je découvre aussi Le Matin des Magiciens que Pauwels a écrit avec Jacques Bergier. Une découverte ! Cependant, je garde la tête sur les épaules. Je ne suis pas fan d’ésotérisme. Ce terme est trop réducteur. Pour moi, l’ésotérisme est la portion douteuse du fantastique. Consulter une voyante ou faire parler les tables tournantes ne m’intéressent pas. Je ne cherche pas, à tout prix, la rencontre avec le surnaturel, même si des expériences troublantes me sont déjà arrivées. Mon père m’a aussi transmis le virus des vieilles pierres. Qu’est-ce qu’il a pu nous casser les pieds à nous traîner dans les châteaux et les abbayes ! Et pourtant, j’en garde un souvenir ému au point d’y avoir, à mon tour, entraîné mes enfants, pour leur faire faire des exercices ou des chasses au trésor. En revanche, je ne voudrais pas passer une nuit toute seule dans un château hanté ! »

Le séminaire d’intelligence collective

« Un jour, je découvre la Voix des Contes, une association qui organise des séminaires d’écriture. Renseignement pris, je m’inscris à un atelier d’écriture de contes. Et je ne m’attendais pas du tout à ça. C’était plutôt un exercice de développement personnel dans le but d’écrire son propre conte comme chemin de vie, inspiré par les contes de Grimm. Conquise, je participe ensuite, plus régulièrement, à un séminaire d’un an. Et je découvre que les contes ne sont pas faits pour endormir les enfants mais pour réveiller les adultes. Chaque conte peut vous apporter une solution à un problème du quotidien. En l’occurrence, à cette époque, j’étais en panne d’inspiration alors que mon éditeur me réclamait des histoires. Je suis allé à la Voix des Contes avec cette question : je n’arrive plus à écrire, que faire ? Cela m’a libéré. Le responsable de l’association, Jean-Pascal Debailleul m’avait même encouragé, comme choix de vie, à viser des best-sellers. Il pensait que j’en avais le potentiel. Ainsi, j’ai pu écrire le premier tome du Grimoire au Rubis qui est devenu ensuite une trilogie puis une saga en 9 tomes couvrant trois périodes de croyances : la magie au Moyen-âge, la divination et les sorcières au XVIème siècle puis le spiritisme au XIXème. Un voyage à travers le temps et l’imaginaire, enraciné dans un contexte historique très documenté ! On peut dire que j’ai été largement remboursée des frais de mon séminaire d’écriture ! »

Le rôle du fantastique

« Le fantastique m’offre des coups de pouce ! Et mes héros en profitent. C’est une facilité pour un auteur d’écrire des histoires en marge de l’Histoire. On évite les erreurs, les anachronismes. Et cela ouvre des portes pour les lecteurs. Pour les mettre en alerte. Dans un monde trop carré, où la preuve domine. Pour en avoir discuté avec plusieurs auteurs, je suis convaincue que notre monde a toujours vécu avec la conscience d’un monde parallèle : fées, sorcières, lutins, fantômes, etc. Et, depuis les Lumières et le scientisme, le monde rationnel a atrophié les croyances de nos campagnes ou a reporté son goût du mystère dans les sciences. En particulier, dans la science-fiction. Or, la littérature de l’imaginaire aide alors le monde à garder une part de magie. Mais une part cachée. Jusqu’au jour où J.K. Rowling donne naissance à Harry Potter. Ce fut un appel d’air extraordinaire car, les aventures du héros se passant dans un collège, les jeunes du monde entier s’y retrouvent. Rowling a réussi à rouvrir la porte sur tous les imaginaires. Grâce lui soit rendue ! Car non seulement elle a remis les jeunes à la lecture de gros volumes. Mais elle a aussi permis la réhabilitation, sous le feu des projecteurs, d’ouvrages discrets mais de qualité, dans la veine d’Harry Potter et de la mythologie fantastique. Jusqu'au cinéma. »

Les signes de l’au-delà

« Je ne ferme aucune porte. Mes racines chrétiennes me poussent à croire à la survie de l’âme après la mort. Mais je suis curieuse de toutes les étrangetés. J’ai été très impressionnée par les livres de Patrice Van Eersel qui a écrit sur les expériences de mort imminente, les NDE. François Brune, un prêtre catholique français, s’est aussi beaucoup penché sur ces questions de la vie après la mort et du paranormal en relation avec la foi catholique. Ils m’ont ouvert des horizons, des espoirs, dans ce monde occidental qui, selon moi, manque cruellement de finesse, de subtilité. Je raffole beaucoup de cette collection de petits livres rouges publiée chez J’ai Lu sur le paranormal et les mystères de l’histoire. On y trouve des sujets loufoques mais aussi d’une drôlerie et parfois d’un intérêt qui donne des perspectives. Nous sommes trop vissés à notre rationalisme. Alors que les esprits éclairés pourraient aussi se dire « pourquoi pas ? ». Sauf les zététiciens qui m’agacent énormément ! Je crois aux courants mystérieux, à la respiration de notre planète. Grâce aux croyances, je porte un autre regard sur la nature, sur l’écologie. Quand je travaillais sur la féerie, et que je voyais des ronds de champignons dans mon jardin, je me disais, rêveuse, « tiens, des fées sont venues danser ici cette nuit ! » Il y a des mystères dans le végétal que je n’avais pas entrevus avant d’écrire sur la féérie. C’est Edouard Brasey qui disait que la pollution des rivières a fait disparaître l’ondine, le génie des eaux dans la mythologie germanique. Sans doute certains problèmes écologiques trouveraient-il un dénouement heureux dans une approche fantastique, plus poétique. Récemment, j’ai appris la mort de Rémy Chauvin, sur le site de l’I.M.I. C’était un professeur émérite de la Sorbonne, biologiste et entomologiste français, qui s’est aussi intéressé à des thèmes comme le paranormal, la vie après la mort, les phénomènes psi ou encore l’ufologie. J’ai lu ses livres. Comme ceux du psychiatre Philippe Wallon. Je ne suis pas une adepte. Mais cela m’interpelle. Nous avons plus de dons qu’on ne l’imagine. Je dis souvent qu’un homme préhistorique aurait pu conduire une automobile, s’il avait su qu’elle existait ! Aujourd’hui, qu’est-ce qui nous empêche d’être télépathe ? Sans doute l’ignorance, un apprentissage imparfait ou encore la raillerie des bien pensants. »

La bienveillance des fantômes

« Le XIXème siècle apporte un nouveau regard sur le fantôme. Avant, c’était une entité effrayante qui secouait ses chaînes. Cherchait à se venger. A partir du XIXème, il devient émouvant. Le fantôme revient pour délivrer un message ou accomplir une ultime mission sur terre. Or, je me suis laissé séduire par cette autre vision, plus candide. La Dame blanche est l’archétype de ce fantôme nostalgique. Or, dans Le Château de la Dame Blanche, second tome du 3ème cycle du Grimoire au Rubis, j’ai souhaité aborder le thème de la maison hantée sous cet angle-là. En outre, je me suis aussi inspiré d’une exposition sur la photographie spirite qui a eu lieu en 2005 à la Maison Européenne de la Photographie. Je m’étais amusé de l’idée que bon nombre de photos de fantômes étaient truquées pour abuser de la crédulité des gens. C’est pourquoi le personnage féminin de mon roman, Hortense, travaille comme modèle dans un cabinet spirite à Paris. Le romantisme du XIXème siècle a beaucoup contribué à changer notre vision du fantôme. Et je préfère cette approche plus douce, bienveillante. Pour moi, nos disparus continuent de frôler nos vies, de nous envoyer des signes. Ils ne nous abandonnent pas. Et ne nous veulent aucun mal. J’ai vécu des expériences personnelles qui vont dans ce sens : chute d’objets ou coups de téléphone au moment de la mort d’un proche ou en souvenir de sa mort. Mais j’en parle rarement. C’est Camille Flammarion qui a collecté de nombreux témoignages de cette nature. Comment les décrypter ? Telle est la question. Dans Fantômes, spectres et autres revenants, je donne des pistes au jeune lectorat pour appréhender la mort, les fantômes et nos rapports à l’au-delà, avec ce postulat : nous ne savons pas s’il y a une vie après la mort. Mais les fantômes en sont peut-être une preuve. Faut-il croire en leur existence ? Dans ce monde souvent désespérant, il faut laisser la porte ouverte. »

*Fantômes, spectres et autres revenants
Texte Béatrice Bottet
Illustrations Vincent Madras
La Bibliothèque du Fantastique / Casterman
Disponible le 17/02/2010
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