Lorsqu'un consultant en communication rencontre un voyant, un dictionnaire voit le jour ! Etrange, non ? C'est une passion partagée pour l'irrationnel qui a conduit Jacques Mazeau et Aurélien Le Blé à signer un "Dictionnaire de l'étrange" aux éditions Le Pré aux Clercs, un recueil de plus de mille trois cents entrées pour explorer des thèmes aussi variés que la mythologie, l'ésotérisme, la science-fiction, la religion, le paranormal ou la philosophie.

Il faut donc voir dans ce "Dictionnaire de l'étrange" une sélection "coups de cœur" des histoires les plus mystérieuses qui vont mettre votre raison à rude épreuve...

Propos recueillis par Olivier Valentin

Maison-Hantee.com : D’emblée, le titre nous a surpris ! Pourquoi un dictionnaire qui, par définition, donne un sens de référence aux mots ?

Jacques Mazeau : Il y a cinq ans, embarqué dans l’écriture d’un roman, L’Or des Maures, dont le sujet était l’irrationnel et les mystères, j’ai constaté qu’il n’existait pas de "somme" sur le sujet. Tous les ouvrages se consacraient à une partie seulement de ce que j’ai nommé l’étrange d'où le désir de réaliser un dictionnaire plus éclectique mais plus complet sur la question. Quant à vouloir donner un sens aux choses, cela paraît pour le moins nécessaire surtout quand on a la prétention comme nous de nous adresser au grand public et non pas aux spécialistes. Le sens étant, par ailleurs, d’exposer des faits sans prendre forcément parti.

Aurélien Le Blé : Et pourquoi pas un dictionnaire ? Parce qu'il n'en existait pas avant le nôtre, peut-être ! Et comme nous sommes "un peu dingues" de travail et passionné d'étrange, on s'est dit : "Tiens, si nous passions les 4 prochaines années à rédiger un dictionnaire" !

Maison-Hantee.com : D’où tenez-vous cette certitude des contenus que suppose l’élaboration d’un dictionnaire ?

A.L.B. : Personnellement, je n'ai aucune certitude, à part celle de lever les yeux, chaque matin, sur mon ciel bleu niçois et de me dire que je suis en vie. Et aussi, aller boire mon café à la plage du Galion avant de commencer ma journée à 10h. Esquisser l'idée d'en posséder une serait faire preuve d'une arrogance évidente. Ce dont je suis certain, c'est que nous ne pouvons pas tout expliquer dans ce bas monde.

J.M. : Il n’y a aucune certitude ! Je constate simplement qu’il existe une part de la vie qui demeure inexpliquée, des phénomènes et événements qui n’appartiennent pas au rationnel. Il s’agissait de le transmettre de manière claire et concise en faisant référence à ce que nous savons ou ce qui est généralement admis. Au lecteur d’approfondir et de ses faire son opinion. Ce n’est pas un livre engagé !

A.L.B. : Si nous maîtrisions tout, si nous connaissions tout de ce que nous appelons le mystère, l'étrange, le paranormal ou la religion, l'ennui nous gagnerait bien vite. De quoi pourrions-nous parler ? Ce serait triste, non ? Vous n'imaginez pas la chance que nous avons avec un sujet comme le paranormal et sa famille de secrets : nous n'y connaissons rien ou si peu, et pourtant, c'est le sujet qui captive le mieux, divise le plus. Il suffit de regarder la télé : TF1, France 2, M6, Canal +,... Le paranormal est partout ! Finalement, qu'est-ce qui a motivé les grands penseurs comme Platon, Plotin ou Socrate sinon l'existence ou la préexistence de l'âme et le monde des idées ?

Maison-Hantee.com : Sans remettre en doute votre bonne volonté, "Le Grand Livre des mystères" n’aurait-il pas été un intitulé plus honnête ?

J.M. : À mes yeux, l’expression "mystères" ne représente qu’une partie de cette réalité. En plus, elle évoque, selon moi, une réalité religieuse. Ce qui me déplaisait. Au contraire, l’étrange, c’est tout ce qui interroge, dérange, sort de l’ordinaire, qui n’a pas forcément d’explication mais qui existe tout de même. En choisissant ce titre, nous nous sommes donnés de la liberté.

Maison-Hantee.com : D’après vous, ce livre est né de la volonté d’aborder l’étrange de la manière la plus large possible pour se distinguer des ouvrages spécialisés. Si je comprends bien votre démarche, un amateur de fantômes et de maisons hantées est tout autant intéressé par les vampires, les OVNI ou la voyance ?

J.M. : Bien sûr ! Sinon, il n’a qu’une vue très partielle des choses. S’intéresser à l’ésotérisme, au surnaturel sous toutes ses formes, ne me paraît pas inutile. Il existe une multitude de connexions entre toutes les manifestations inexpliquées et peut-être inexplicables, en tous cas, dans le cadre de nos connaissances actuelles.

Maison-Hantee.com : Vous pensez donc que les amateurs de mystères sont des généralistes touche-à-tout et non des passionnés d’une catégorie de mystères ? En outre, croyez-vous le grand public suffisamment mûr pour se plonger dans un dictionnaire de l’étrange ?

J.M. : Je ne pense rien à ce sujet. Chacun se dirige vers ce qui l’attire. Les uns seront des généralistes, d’autres des spécialistes. Cela dépend de ses intérêts personnels, de sa culture, de ses préoccupations. En écrivant ce dictionnaire, nous nous sommes adressés à tout le monde, sans sélectionner de cible particulière. L’ambition étant, je le répète, de satisfaire le grand public en lui offrant un large panorama sur la question.

A.L.B. : L'étrange reste l'étrange. L'étrange passionne, interroge, inquiète. L'étrange est un terme vaste qui accepte aussi bien les OVNI que les fantômes, les maisons hantées ou les guérisons miraculeuses. Mûr ? Mais pourquoi donc mûr ?! L'être humain peut se laisser gagner par tel ou tel sujet, sans être vraiment préparé à les aborder. Comme nous pouvons par exemple tomber amoureux sans être préparés à cette éventualité qui est capable de troubler votre sommeil ou vous empêcher de manger.

J.M. : Est-il nécessaire d’être mûr pour s’intéresser à l’étrange ? En tout cas, le public semble passionné par toutes ces questions ! Tous les récents succès livresques ou télévisuels ayant trait aux mystères et à l’étrange le prouvent abondamment.

A.L.B. : En outre, le "grand public" est un terme générique qui ne veut rien dire, c'est comme si vous disiez "les Français". Chacun possède sa sensibilité, sa perception des choses. Nous ne sortons pas du même moule, de la même usine à penser. Le "grand public" est composé d'une multitude d'unités qui pensent, différemment du voisin, mais qui pensent, votent, crient, s'impatientent, prient ou ne croient pas. Il est, tout simplement. Comme moi, vous faites partie du "grand public" et pourtant, il y a de fortes chances que nous ne croyons pas aux mêmes choses. Heureusement ! Votre site est-il "grand public" ?

Maison-Hantee.com : Comment s’est passée votre rencontre à l’origine du projet ?

J.M. : Par hasard, comme toujours dans ces cas-là ! Aurélien aimait mes romans…

A.L.B. : Un jour ou un soir, peut-être un matin, je lui ai envoyé un e-mail pour lui dire que "La ferme d'en bas" m'avait bouleversé.

J.M. : Nous nous sommes rencontrés et, de fil en aiguille, nous en sommes venus à parler d’autres projets dont celui-ci. De là est née une amitié fructueuse.

A.L.B. : Et le projet du dictionnaire !

Maison-Hantee.com : On parle de plusieurs années de travail, recherches et discussions. Comment s’est organisée votre collaboration sur les sujets abordés dans ce livre ?

A.L.B. : Presque 4 ans de travail ! Un travail de dingue, de tous les instants, de recherches, de recoupements, d'investigations, du terrain aussi... Finalement, si nous avions su, avant de commencer, à quoi nous nous attaquions, il n'y aurait pas de dictionnaire aujourd'hui ! Je plaisante : même la corde au cou, nous l'aurions terminé. J'aurais même rédigé les derniers mots avec mon sang ! Chacun a traité les sujets qu'il maîtrisait le mieux.

J.M. : Oui, il a fallu de longues années à la fois pour définir le projet, choisir l’orientation générale de l’ouvrage, sélectionner les entrées et enfin l’écrire avec toutes les recherches que cela suppose. La définition du projet étant acquise, nous nous sommes répartis le travail en fonction de nos affinités avec certains thèmes.

Maison-Hantee.com : Quels conseils donneriez-vous aux lecteurs de votre dictionnaire : parcourir le livre au hasard, lire de bout en bout, chercher une entrée en fonction de ses sensibilités ou nécessités ?

A.L.B. : Comment donner un conseil alors que ce dictionnaire ne se découvre surtout pas comme un roman ? L'intrigue est à tous les mots, à chaque page, partout... Passionnant, mieux qu'un roman !

J.M. : Chacune et chacun fera ce que bon lui semblera. Pour ma part, je n’ai pas de conseils à donner à un lecteur. Je ne vais pas m’ériger en directeur de lecture ! Chacun fera en fonction de ses attentes, besoins, centres d’intérêt. Comme on le fait avec un dictionnaire. On cherche un mot. On cherche des liens, on opère des relations et, in fine, on lit une histoire de l’homme !

Maison-Hantee.com : J’ai ouvert votre livre au hasard (ou au gré des synchronicités, comme dirait Jung !). A la lettre V, on trouve le "vinaigre", un condiment d’une grande richesse médicale, ce que la science a démontré ! En quoi est-ce étrange ? Sur quels critères avez-vous choisi vos entrées ?

J.M. : C’est étrange dans la mesure où le vinaigre n’est pas qu’un ingrédient mais aussi un remède ancien qui mérite d’ailleurs d’être réhabilité. C’est étrange qu’un ingrédient parvienne à soigner, améliorer la vie. C’est aussi un ingrédient qui a une longue histoire. Il fait partie du quotidien de l’homme mais reste méconnu dans ses effets.

Maison-Hantee.com : Quels mots ou dossiers vous ont donné le plus de fil à retordre ?

J.M. : Tous, car il fallait à la fois être précis et concis. C’est difficile de résumer et de faire des synthèses qui soient suffisamment claires et évocatrices pour tout le monde.

A.L.B. : Le mot "voyance". Impossible à définir. Surtout pour moi !

Maison-Hantee.com : Pensez-vous avoir pris des risques ?

J.M. : On en prend toujours en écrivant un texte qui va être publié. Il peut être reçu de différentes manières, plaire ou déplaire, choquer ou non. Bref, on prend forcément un risque quand on amène le lecteur à s’interroger.

Maison-Hantee.com : Quelles définitions vous ont le plus touchés ?

J.M. : Toutes ! Nous sommes forcément touchés par ce qu’on découvre, approfondit, explique. A chaque fois, c’est un peu un voile qu’on soulève sur l’homme et donc sur nous-mêmes.

Maison-Hantee.com : Pourquoi ne trouve-t-on pas le mot "fantôme" dans votre dictionnaire ?

J.M. : Ça viendra…

A.L.B. : En fait, il y est ! Mais il est invisible… Même à l'imprimerie, on ne le trouvait plus. Mais croyez-moi, il y est !

Maison-Hantee.com : Le Da Vinci Code figure dans vos définitions ! Le best-seller de Dan Brown est donc finalement entré au panthéon de l’étrange ? Par sa notoriété ? Et pourquoi pas Maupassant, Poe, Dickens, Dumas, Stoker, Walpole, Shelley, M. R. James, Oscar Wilde, Henry James,… N’avez-vous pas cédé à la tentation de l’actualité ?

J.M. : Oui, bien sûr ! Nous avons cédé à la tentation de l’actualité. Pourquoi le nier ? Mais rassurez-vous, le livre aura suffisamment de succès pour mériter une réédition et donc posséder de nouvelles entrées. Les noms que vous citez ont effectivement de bonnes raisons d’y figurer.

A.L.B. : Si le Da Vinci Code n'avait pas figuré dans le dictionnaire, vous auriez été le premier étonné ! Alors il y est et vous êtes tout de même étonné. Comme quoi la vie est vraiment très... étrange. Non ?

Maison-Hantee.com : Quels sont vos auteurs de référence en littérature fantastique ou ésotérique ?

J.M. : Chevreuil, Flammarion, Mouy, Fontbrune, Murphy, Crozier, Rocard, Laurentine, Bourrent, Petit, Vallée, Manning, Berlier, Lancelin, Sandy, Tarde, etc.

Maison-Hantee.com : Pensez-vous que les médias servent positivement la popularisation du paranormal dans notre société contemporaine ?

A.L.B. : Ils servent leurs intérêts avant tout !

J.M. : Pour moi, ils ont tous une prédilection pour ce genre de sujet. En ce qui me concerne, quand je vois une chaîne nationale investir dans une série de douze épisodes à partir de mon livre L’Or des Maures, je me dis qu’il y a un intérêt de leur part pour tout ce qui est ésotérique et paranormal.

Maison-Hantee.com : Dans votre introduction, vous mettez en garde le lecteur contre une attitude extrémiste face à l’étrange : il ne faut être ni sceptique, ni dogmatique et trouver un juste milieu à nos croyances. Comment est-il possible de tenir une neutralité quand on écrit un ouvrage dédié aux mystères de la nature, perçus, par essence, de manière subjective ?

A.L.B. : Notre ouvrage est un dictionnaire ! Il ne défend aucune chapelle et ne pousse à aucun excès !

J.M. : Autant que je sache, les rédacteurs du Petit Robert ne prennent pas partie pour ou contre la politique de Louis XIV ou les guerres napoléoniennes. Notre but consistait avant tout à informer et rassembler les informations. Si nous avions voulu prendre parti, nous aurions fait un autre type d’ouvrage…

Maison-Hantee.com : "Trouver un sens à l’inexplicable", peut-on lire sur la quatrième de couverture. Cette quête n’est-elle pas trop ambitieuse ? Sinon, quel intérêt selon vous ?

J.M. : Toute quête est ambitieuse et doit l’être. Sinon, à quoi bon ! Trouver un sens à l'inexplicable, c’est se rapprocher de son Graal personnel.

A.L.B. : Est-ce une quête, vraiment ? Pourquoi pas une passion ou tout simplement un sujet qui plait ?! Vous savez, ce dictionnaire est un peu à l'image des fins de dîners au coin du feu où la discussion se termine inévitablement sur l'inventaire des faits étranges arrivés aux uns et aux autres. Car il nous est tous arrivé des bizarreries dans notre vie, des trucs hors normes, inexplicables. Nous essayons de comprendre, nous apportons des hypothèses diverses. Alors, avec Jacques, nous avons osé faire l'inventaire des bizarreries que nous pouvons un jour rencontrer. Faut-il être ambitieux lorsque l'on rédige un tel dictionnaire ? Je ne sais pas. Passionné ? Oui, certainement !

Maison-Hantee.com : En refermant ce livre, on se dit que, finalement, tout est mystère, depuis la nuit des temps ! Qu’attendez-vous d’un ouvrage comme le vôtre ?

A.L.B. : Qu'il soit apprécié et qu'il pousse le lecteur à chercher, chercher plus encore et, pourquoi pas, trouver un chemin qui conduise à un début d'explication.

J.M. : Oui, car tout est mystère, à commencer par cette fabuleuse apparition de l’homme intelligent. Rien n’est écrit, rien n’est sûr. Tout est le résultat d’un équilibre souvent illisible. Mais c’est justement ce qui constitue le piment de la vie. Nous attendons que ce livre ouvre de nouvelles perspectives aux lecteurs, voire qu’il réveille des interrogations et conduise chacune et chacun à regarder la vie avec un autre œil.

Le Dictionnaire de l'Etrange
Jacques Mazeau et Aurélien Le Blé
Le Pré aux Clercs, 2007
484 pages - 26 €