|  |  
 
			
				|  | 
				A moins d’une 
				heure au nord de Paris, le département de l’Oise est la clef 
				d’entrée de la Picardie. Clairsemé de forêts domaniales, de 
				châteaux et d’étangs, ce vaste territoire de tradition royale et 
				cynégétique revêt à chaque hiver son manteau de brume. Inspiré 
				par des décors de contes de fées, Maison-Hantee.com est allé à 
				la rencontre des fantômes qui hantent les sous-bois aux couleurs 
				automnales, les jardins romantiques et les couloirs silencieux 
				des vastes demeures seigneuriales. De Chantilly à Compiègne en 
				passant par la cité médiévale de Senlis, l’atmosphère 
				aristocratique emmitoufle des secrets de famille que nous avons 
				cherché à décrypter. Empruntez la voie royale qui mène 
				directement au monde des spectres et des créatures fantastiques… |  
		Textes et photos 
		
		Olivier VALENTIN 
		Vous rêvez d’une échappée belle au cœur de 
		la France mystérieuse ? Avec sa variété de sites et son accessibilité 
		depuis Paris, l’Oise occupe une place privilégiée dans le carnet de 
		route du chasseur de fantômes. S’évader le temps d’un week-end, fuir la 
		cohue des boutiques en période de fêtes de fin d’année, s’habiller 
		chaudement pour des promenades hivernales et explorer des chemins 
		légendaires à la découverte d’un patrimoine naturel et historique haut 
		en couleurs. Telles furent mes aspirations à quelques jours de Noël. 
		Malgré un soleil démissionnaire, la météo fut relativement clémente pour 
		m’éviter brouillard, givre et verglas. Profitant d’une saison 
		touristique très tranquille et des nombreuses occasions de retraites au 
		coin du feu, j’ai déniché quelques lieux, remarquables par leur histoire 
		secrète, leur environnement ou l’extravagance de leur esthétisme. Suivez 
		le guide ! 
		Les Blanches de 
		Commelle 
		La première adresse figure en bonne place 
		des châteaux hantés qui ont inspiré les écrivains romantiques. 
		Dans ses Mémoires d’outre-tombe, 
		Chateaubriand évoque l’étrange sentiment qui l’envahit aux abords du 
		Château de la Reine Blanche, vestiges d’un castel médiéval qui jouxte 
		les Etangs de Commelle, près de Coye-la-Forêt, au sud de Chantilly. Au 
		chapitre 2 de son livre 16ème, il écrit : 
		« Comme aux oiseaux voyageurs, il me 
		prend au mois d'octobre une inquiétude qui m'obligerait à changer de 
		climat si j'avais encore la puissance des ailes et la légèreté des 
		heures : les nuages qui volent à travers le ciel me donnent envie de 
		fuir. 
			
				|  | 
				Afin de tromper cet instinct, 
				je suis accouru à Chantilly. J'ai erré sur la pelouse où de 
				vieux gardes se traînent à l'orée des bois.Quelques corneilles, 
				volant devant moi, par−dessus des genêts, des taillis, des 
				clairières, m'ont conduit aux étangs de Commelle. La mort a 
				soufflé sur les amis qui m'accompagnèrent jadis au
				château de la reine Blanche 
				: les sites de ces solitudes n'ont été qu'un horizon triste, 
				entrouvert un moment du côté de mon passé. Aux jours de René, 
				j'aurais trouvé des mystères de la vie dans le ruisseau de la 
				Thève : il dérobe sa course parmi des prêles et des mousses ; 
				des roseaux le voilent ; il meurt dans ces étangs qu'alimente sa 
				jeunesse, sans cesse expirante, sans cesse renouvelée : ces 
				ondes me charmaient quand je portais en moi le désert avec les 
				fantômes qui me souriaient, malgré leur mélancolie, et que je 
				parais de fleurs. » (Novembre 1838) |  
		Gérard de Nerval fait aussi allusion à ce 
		lieu chargé d’émotion dans ses Promenades et souvenirs 
		(1854-1855) : 
		« Célénie m’apparaît souvent dans mes 
		rêves comme une nymphe des eaux, tentatrice naïve, follement enivrée de 
		l’odeur des prés, couronnée d’ache et de nénuphar, découvrant, dans son 
		rire enfantin, entre ses joues à fossettes, les dents de perles de la 
		nixe germanique.  
			
				| Et certes, 
				l’ourlet de sa robe était très souvent mouillé comme il convient 
				à ses pareilles… Il fallait lui cueillir des fleurs aux bords 
				marneux des étangs de Commelle, ou parmi les joncs et les 
				oseraies qui bordent les métairies de Coye. Elle aimait les 
				grottes perdues dans les bois, les ruines des vieux châteaux, 
				les temples écroulés aux colonnes festonnées de lierre, le foyer 
				des bûcherons, où elle chantait et racontait les vieilles 
				légendes du pays ! – madame de Montfort, prisonnière dans sa 
				tour, qui tantôt s’envolait en cygne, et tantôt frétillait en 
				beau poisson d’or dans les fossés de son château. ». | 
				 |  
		Au pied de cet ancien moulin reconverti en 
		relais de chasse en 1825, à la demande du duc de Bourbon, dernier des 
		Condés, je suis frappé par l’enchantement des lieux. Cet édifice de deux 
		étages, flanqué de quatre tourelles crénelées et édifié dans le pur 
		style médiéval, est léché par une rivière qui s’écoule de l’étang. Si on 
		fait abstraction de la crêperie avoisinante - qui défie toutes les lois 
		de mise en valeur du patrimoine architectural de la région ! -, on se 
		prend à rêver à la légende qui donna son nom actuel au château. 
		Initialement baptisé "Logis de Viarme" du 
		temps des bûcherons, le bâtiment devint moulin de tanneur en 1426 et à 
		fouler le drap en 1533. En 1765, le prince de Condé en fit un moulin à 
		blé puis une manufacture de papier en 1787. Lorsque la propriété fut 
		vendue en 1823 à un certain Gandulphe Adryane, elle avait pour 
		dénomination "Moulin de la Loge de Viarmes". L’édifice principal, de 
		forme carrée à quatre niveaux, était flanqué de tourelles aux angles. Au 
		début du 19ème siècle, d’autres corps de bâtiment avaient été 
		construits, adossés aux faces nord et ouest, en tant que logement et 
		entrepôt (grains, meules, matériel et farine). Ces infrastructures 
		furent complétées d’écuries, étables, appentis et hangars. 
			
				|  | 
				Le 25 mars 1825, le duc de Bourbon 
				acquit l’ensemble et chargea son architecte, Victor Dubois, de 
				le reconvertir en rendez-vous de chasse. Les deux derniers des 
				trois corps de bâtiments furent démolis pour ne laisser que le 
				pavillon carré, en fort mauvais état. Les tourelles furent alors 
				consolidées par des contreforts et coiffées de terrasses en 
				plomb dissimulées par des balustres ajourées en pierre sculptée. 
				Les fenêtres de forme ogivale, un balcon sculpté sur console à 
				tête d’animaux et l’encastrement de trois statues de chevaliers 
				vinrent compléter ce tableau d’inspiration troubadour. A 
				l’intérieur (qui ne se visite pas), les pièces sont voûtées, sur 
				croisées d’ogives en pierre, et abritent une cheminée basse, en 
				marbre blanc et aux motifs sculptées. |  
		Du pur style néo-gothique, très en vogue 
		au 19ème siècle, que l’on retrouvera plus tard au château de 
		Pierrefonds ! 
		Comment cet édifice à usage multiple 
		a-t-il changé de nom ? Comme souvent, les archives régionales ne donnent 
		aucune réponse. Seule la tradition orale apporte des hypothèses. 
		Avant l’existence du "Logis de Viarmes" 
		aurait existé, à cet emplacement, un château édifié, selon les versions, 
		par Blanche de Castille, mère de Saint-Louis, ou par Blanche de Navarre, 
		épouse de Philippe VI de Valois, un des rois maudits de Maurice Druon ! 
		Une autre légende, plus romanesque, vient 
		nourrir les rumeurs de hantise qui entourent le site. Le château serait 
		situé à proximité d’une ancienne chaussée Brunehaut, du nom de cette 
		reine à qui un poème épique du 12ème siècle prête une 
		réputation diabolique. Imaginée sur son cheval au galop, dans un dédale 
		d’antiques voies de communication reliant autrefois des cités gauloises, 
		elle aurait fait construire ces routes pour mener plus rapidement ses 
		armées vers la mer et y aurait même trouvé la mort, traînée par sa 
		monture. 
			
				| 
				Son fantôme de Dame Blanche 
				hanterait-il toujours ce tracé légendaire dont le castel de 
				Commelle serait l’un des péages maléfiques ? 
				Je fais le tour du premier étang, 
				contemplant longuement le château de différents points de vue, 
				et croise quelques promeneurs, des habitués en cette saison !, 
				qui viennent se ressourcer, d’un pas flâneur ou au pas de 
				course, au milieu de ce décor mi-ocre, mi-brumeux. Ici, l’hiver 
				est en retard. A l’instar de ces corbeaux qui m’observent du 
				coin de l’œil - noir bien sûr ! -, le temps a suspendu son vol. 
				Je quitte la forêt de Coye, 
				direction Senlis, laissant derrière moi, la rêverie et le charme 
				d’une promenade fantastique qui mérite, à elle seule, le voyage. | 
				 |  
		Le fantôme de Chantilly 
		En route, je ne peux m’empêcher de marquer 
		une pause à Chantilly, hanté par le fantôme de Louise de Budos, seconde 
		femme d’Henri 1er, duc de Montmorency, connétable de France. 
		En février 1593, l’hôte de Chantilly se 
		rendit à Pézenas pour assister à l’enterrement de son dernier fils et y 
		rencontra une jeune et jolie veuve qu’il épousa le mois suivant. Dans 
		ses Mémoires, Saint-Simon rapporte qu’en 1598, Louise, délaissée 
		par son mari à Chantilly, fit plusieurs fois la rencontre d’un 
		mystérieux personnage. Or, le lendemain du jour où on la vit s’enfermer 
		avec cet inconnu dans un cabinet du château, elle fut retrouvée morte,
		« par terre, le col entièrement tourné, le visage du costé de l’espine 
		du dos, sans estre pourtant défiguré, et dans le cabinet [flottait] 
		une odeur de souffre très puante ». 
		A ses funérailles, Henri Ier fut 
		violemment épris de la tante de Louise, Mme de Dizimieu, qui découvrit 
		le corps de sa nièce. Il la demanda en mariage trois mois plus tard. 
		Pourquoi une telle soudaineté à ces "coups de foudre" ? Toujours 
		d’après Saint-Simon, le duc fut victime d’un anneau enchanté, porté 
		successivement par Louise de Budos à qui une mendiante l’avait offert, 
		puis par sa tante, Mme de Dizimieu, qui l’avait pris sur son cadavre. 
		Ce talisman était capable de faire naitre chez la personne convoitée un 
		amour frénétique pour la femme qui le portait. Pour preuve, lorsque la 
		tante jeta l’anneau dans les jardins d’Ecouen, le charme fut rompu et le 
		duc de Montmorency divorça. 
		Dès lors, le spectre de Louise fit son 
		apparition au château de Chantilly. De funeste augure, il se manifesta 
		chaque fois pour présager le décès du maître des lieux. Peu de temps 
		avant la mort de « l’aisné de la Maison de Condé » (sans doute le 
		prince de Conti, Louis-Armand Ier, en 1685), elle apparut à la fenêtre 
		de la salle d’Armes. L’écuyer du prince, Vervillon, témoin du phénomène, 
		chercha à éclaircir le mystère, en vain. Mais peu de temps après, le 
		prince fut foudroyé par la petite vérole. Accomplissement de la funeste 
		prophétie liée au fantôme de Chantilly ou contamination à Fontainebleau 
		par son épouse, « bâtarde de Louis XIV » (Marie-Anne ?), qui 
		avait contractée la même maladie ? Quoi qu’il en soit, les circonstances 
		étranges qui entourent la mort de Louise de Budos peuvent accréditer la 
		thèse d’une hantise. 
		Avant de faire route pour le château de 
		Raray, bien connu des admirateurs de Jean Cocteau, je m’arrête à Senlis 
		pour enquêter sur les mystères de la chapelle royale Saint-Frambourg, à 
		deux pas de la cathédrale. 
		La crypte magnétique de 
		Senlis 
			
				|  | 
				Restaurés par la Fondation Cziffra 
				(du nom du célèbre pianiste Georges Cziffra), les vestiges de 
				cette église du 12ème siècle n’en finissent pas de faire parler 
				d’eux depuis les fouilles archéologiques de 1974 qui mirent à 
				jour un escalier dans la base du clocher disparu. Scénario rêvé 
				pour les amateurs de romans gothiques, cet escalier conduit à la 
				petite chapelle fondée par Adélaïde, épouse d’Hugues Capet, vers 
				993, sur l’emplacement supposé d’un temple de Minerve, déesse 
				romaine de la sagesse !  |  
		Dans les entrailles de cette crypte, on 
		découvrit un sarcophage mérovingien, contenant vraisemblablement les 
		reliques de Saint-Frambourg à qui le lieu est dédié, ainsi qu’un tombeau 
		attribué à Adélaïde. Mais, à ce jour, les historiens ne possèdent aucune 
		preuve sur l’identité des dépouilles qui reposent à Saint-Frambourg. 
		Pourtant, ce doute n’ôte pas au lieu sa réputation thaumaturgique. En 
		effet, des fluides magnétiques qui le traversent soigneraient bien des 
		maux. Sans parler des légendes de hantises, soulevées par la veuve 
		Cziffra, présidente de la Fondation ! 
		Ces suppositions méritent une enquête 
		approfondie ! Hélas, je n’obtiens aucun mandat pour perquisitionner la 
		crypte. En hiver, la Fondation n’est ouverte que les dimanches 
		après-midi, de 15h à 17h. Affaire à suivre… 
		Chasse fantastique à 
		Raray 
			
				| Depuis Senlis, 
				on peut rejoindre Raray par la départementale qui mène à 
				Compiègne. Pour cela, il ne faut pas manquer la D26 à la hauteur 
				d’Ognon. On peut aussi suivre la N324 qui fait route vers 
				Crépy-en-Valois. Des panneaux indiquent le Château de Raray dont 
				l’aspect actuel date du 17ème siècle. Aujourd’hui, ce 
				monument historique abrite un restaurant gastronomique, un hôtel 
				de luxe, un golf, un bar et des salles de réunion, cadre idéal 
				pour un séminaire d’entreprise ou un séjour haut de gamme. A mon arrivée, 
				je suis déçu par la flotte de véhicules qui bordent les deux 
				célèbres haies cynégétiques, de part et d’autre de la cour, face 
				à ce prestigieux château. Il y a en effet plusieurs conventions 
				professionnelles ce jour-là. Le charme des décors du film La 
				Belle et la Bête de Jean Cocteau a donc du mal à agir… 
				d'entrée de jeu ! | 
				 |  
		Mais je suis fort bien accueilli par le 
		responsable du restaurant qui m’invite à consulter les photos du 
		tournage dans le hall et à flâner dans le parc (en évitant les greens du 
		golf !) jusqu’à la Porte de Diane dont les ornements évoquent la chasse 
		fabuleuse de la Licorne. Animal sauvage emblématique de la littérature 
		fantastique, la Licorne ne peut être approchée que par une vierge. C’est 
		ce que prétend le premier épisode du célèbre conte écrit en 1757 par 
		Madame Leprince de Beaumont et dont Jean Cocteau tira la remarquable 
		adaptation cinématographique de 1945 avec Jean Marais et Josette Day. 
			
				|  | 
				Dans ce chef d’œuvre, Cocteau 
				sublime avec poésie et mystère les deux haies d’arcades dont les 
				dix-huit niches abritent les bustes d’empereurs romains, 
				d’impératrices et de dieux de l’Olympe. Les sculptures 
				animalières qui les surmontent rendent hommage aux protagonistes 
				de la chasse : plus de quarante chiens, un sanglier et un 
				magnifique cerf que chevauche la Bête (Jean Marais) dans une 
				scène du film. On doit tout ce bestiaire féérique au conseiller 
				de Louis XIII, Nicolas de Lancy, Chambellan du Duc d’Orléans, 
				qui acquit la propriété au début du 17ème siècle. 
				Cousine des Lancy, Madame de Sévigné a même arpenté ces allées 
				de pierre. |  
		En me replongeant dans le livre de Simon 
		Marsden, Journal d’un chasseur de fantômes, je découvre que le 
		château de Raray est le théâtre d’une hantise dont même les golfeurs se 
		plaignent. 
			
				| Un réalisateur 
				de cinéma, passionné par le fantastique et le surnaturel, avait 
				confié à Marsden que le château était hanté par le fantôme d’une 
				jeune servante et de son petit garçon qu’elle a tenté 
				d’assassiner avant de se pendre à un arbre du parc. Alors qu’il 
				prenait des photographies de la Porte 
				Rouge (autre nom pour la Porte de Diane), Simon 
				Marsden échangea quelques mots avec un habitué du golf, aussi 
				sensible à la noblesse des lieux qu’à son atmosphère 
				ensorcelante. Ce dernier ne croyait pas aux fantômes mais resta 
				néanmoins perplexe au souvenir d’un incident qui toucha sa 
				petite fille de quatre ans. Il se rappela qu’elle avait eu peur 
				des statues car l’une d’elle avait bougé, « un petit garçon 
				dans les bois près de la porte » qui « n’était pas réel » ! 
				A l’époque, le golfeur n’avait prêté aucune attention à cette 
				invention enfantine. Mais, depuis sa rencontre avec Marsden, un 
				spectre du passé s’était réveillé en lui… | 
				 |  
		Je prends quelques photos de la fameuse 
		porte et croise quelques golfeurs mais aucune trace d’un garçonnet 
		errant dans les bois à la recherche de sa mère. Néanmoins, cette visite 
		énigmatique me donne envie de revoir La Belle et la Bête… 
		La résurrection de 
		Pierrefonds 
			
				| 
				 | 
				Sur la route de Pierrefonds, 
				village du sud-est de la Forêt de Compiègne, je constate que le 
				jour décline rapidement. J’espère avoir le temps de visiter 
				l’impressionnant château, restauré – ou plutôt réinventé ! – au 
				19ème siècle, par Viollet-le-Duc. Du 1er 
				septembre 2005 au 30 avril 2006, le monument ferme à 17h30 et la 
				billetterie quarante-cinq minutes avant. 
				Face à l’édifice, je suis 
				littéralement frappé par l’imaginaire romantique qui s’en 
				dégage, comme happé par un conte de Charles Perrault ! J’ai du 
				mal à contenir l’immensité du château sur une simple 
				photographie ! Je pense au peintre Jean-Baptiste Corot qui, en 
				1834, planta son chevalet, bien loin des ruines, pour embrasser, 
				d’un coup d’œil et de pinceau, la majesté de Pierrefonds. |  
		Je me hâte de faire le tour des imposantes 
		murailles pour gagner la cour intérieure et payer mon droit d’entrée. 
		Hélas, pas assez de visiteurs pour mobiliser un guide. Je m’apprête à 
		faire le tour du propriétaire, seul avec mon indigeste brochure 
		historique, lorsqu’un tout nouveau guide me propose de visiter une 
		partie rarement montrée au public, les caves voûtées ! Après plusieurs 
		portes capricieuses dont un bruyant trousseau de clefs vient à bout, je 
		pénètre dans la pénombre d’une succession de salles souterraines 
		peuplées de gisants fantomatiques, copies des originaux de la basilique 
		Saint-Denis. 
			
				| 
				 | Mon guide privé 
				me fait remarquer sur le mur les traces témoignant des travaux 
				accomplis depuis la place forte initiale du 12ème 
				siècle, arrangée par Louis d’Orléans en 1393, démantelée 
				partiellement par Louis XIII en 1617 à la suite d’un siège, puis 
				restaurée par Viollet-le-Duc dès 1858. D’ailleurs, ce célèbre 
				architecte - qui a sa statue sur le toit de 
				Notre-Dame-de-Paris ! - a longuement hésité sur les parties à 
				reconstruire. Un an avant le début des travaux, il ne souhaitait 
				reprendre que le donjon, au milieu de ruines. Scrupule 
				d’archéologue qui craignait une restauration hypothétique ou 
				mode du pittoresque et du fantastique soutenue par les écrivains 
				romantiques ? Il est vrai que les gravures d’époque qui rendent 
				compte de la magie des ruines offrent à tout amateur d’histoires 
				de fantômes une source d’inspiration qu’il aurait été déplacé de 
				dénaturer.  |  
		Mais, en 1861, la décision fut prise de 
		restaurer intégralement le site, en partie sur la "cassette" 
		personnelle de l’Empereur Napoléon III, pris d’une "folie romantique". 
		Les travaux se prolongèrent même après la mort de Viollet-le-Duc pour 
		aboutir en 1885 sans que la décoration intérieure n’en soit totalement 
		achevée. 
			
				| Au milieu de 
				ces statues, habilement éclairées, j’ai comme l’impression que 
				plusieurs siècles de l’histoire de France me contemplent. Clou 
				de la visite inédite, le guide révèle, derrière une planche de 
				bois, un accès aux oubliettes. Au fond du trou qu’il m’éclaire à 
				la lueur de sa lampe-torche, j’aperçois un gant ! Je ne suis 
				donc pas le seul à avoir eu le privilège de visiter cette salle 
				secrète. Comme moi, le propriétaire du gant a dû apprendre qu’un 
				squelette de femme, datant de Philippe Auguste, propriétaire du 
				domaine en 1185, a été découvert dans ce puits lors de 
				fouilles !  | 
				 |  
		Observant les graffitis grattés sur le mur 
		par les anciens prisonniers de cette geôle, je demande au guide s’il a 
		entendu parler d’histoires de fantômes à Pierrefonds. « Pas à ma 
		connaissance, même si le personnel du château se plaint de fréquentes 
		mésaventures… » Je n’en apprends pas plus et m’abstiens de poser 
		d’autres questions, au risque de heurter la susceptibilité de mon hôte. 
		Mais la façon dont les prisonniers finissaient leurs jours dans ce "trou 
		à rat" me laisse imaginer quelques présences d’outre-tombe… 
			
				| 
				 | Après ce coup 
				d’œil privilégié aux entrailles du château, je déambule 
				librement dans les 
				salles où tout se prête à la démesure : taille, architecture, 
				décoration, éclairage,… Cette sensation est amplifiée par la 
				présence de pièces de plomberie d’art, léguée par Madame 
				Pasquier Monduit. Les ateliers Monduit furent en effet impliqués 
				par les plus grands architectes (Viollet-le-Duc, Charles 
				Garnier, Bartholdi,…) dans la restauration ou la création 
				d’œuvres en plomb ou en cuivre célèbres comme la flèche de 
				Notre-Dame-de-Paris, la statue de la Liberté ou l’archange 
				Saint-Michel. A Pierrefonds, on peut admirer les doubles 
				véritables (et non les copies !) de ces œuvres d’art dont les 
				gargouilles de Notre-Dame-de-Paris, le Lion de Belfort ou le 
				Cupidon de la cathédrale d’Amiens. |  
		Dans la salle des Preuses, pièce d’apparat 
		du 1er étage de l’aile nord-ouest, qui me surprend par son 
		volume et son plafond en forme de coque renversée, je pense au faste des 
		réceptions du Second Empire. Sur le manteau d’une cheminée monumentale, 
		des statues de l’impératrice Eugénie et de ses dames de compagnie 
		m’observent. Comme j’allais l’apprendre plus tard, Pierrefonds et ses 
		nombreux appartements ont servi récemment de décor à la série TV des 
		Rois Maudits de Josée Dayan, diffusée en novembre dernier sur France 
		2. 
		Au rez-de-chaussée, la salle des gardes 
		abrite quelques vestiges archéologiques du 15ème siècle 
		ainsi qu’une remarquable maquette du château, réalisée en pierre par Wyganowski, 
		inspecteur des travaux de Pierrefonds. 
			
				| 
				 | 
				Dans la cour, je flotte comme un 
				fantôme au milieu des statues d’animaux fantastiques. Elles 
				soulignent l’attrait que l’architecte et son commanditaire 
				avaient pour l’imaginaire médiéval et le néo-gothique. La nuit 
				est tombée sur Pierrefonds. Je profite ainsi de l’éclairage 
				extérieur qui sublime le lieu. Ici, les perspectives se jouent 
				de l’ombre et de la lumière. L’ambiance irréelle qui en découle 
				abandonne peu à peu la forteresse à sa brume nocturne et son 
				cortège de mystères… 
				Quant à moi, je gagne mon hôtel à 
				Saint-Jean-aux-Bois, ravissant village au cœur de la forêt de 
				Compiègne, où toute l’équipe des Rois Maudits avaient élu 
				domicile pendant le tournage de Pierrefonds, le temps de 
				déguster foie gras, homard et autres spécialités de gastronomes 
				aisés (ou de producteur de cinéma peu scrupuleux…) |  
		Au coin du feu, je me suis assoupi, un 
		livre de fantômes sur les genoux. A défaut d’avoir percé tous les 
		secrets du royaume des ombres, je laisse vagabonder mon imagination au 
		royaume des rêves. 
		Bonnes fêtes à tous ! 
		O.V. 
		Remerciements : Damien Caillard, 
		initiateur de ce voyage 
		***************************************************************** 
		>> 
		Pour organiser votre visite : 
		Les Etangs de Commelle et le château de 
		la Reine BlancheAccès par Coye-la-Forêt et la route des étangs
 Site web :
		
		http://www.coyelaforet.com/zone/listeLieux00010065.html
 
		Le château de ChantillySite web : 
		
		http://www.chateaudechantilly.com/
 
		La chapelle royale de Saint-Frambourg, 
		SenlisSite web de la Fondation Cziffra :
		
		http://www.fondation-cziffra.org/
 
		Le château de RaraySite web : 
		
		http://www.chateau-raray.com/
 
		Le château de PierrefondsUn site web non official :
		
		http://perso.wanadoo.fr/espace-libre/pierrefonds.html
 
		>> 
		Où loger ? 
		Hôtel Restaurant*** A la Bonne Idée, 
		Saint-Jean-aux-BoisSite web :
		
		http://www.a-la-bonne-idee.fr/
 
		>> 
		Lire 
		Journal d’un chasseur de fantômes 
		(The Journal of a Ghosthunter)Simon Marsden
 Edition française épuisée
 Disponible en anglais sur le 
		
		site du photographe
 
		La Belle et la Bête, les coulisses du 
		tournageDominique Marny
 Edition Le Pré aux Clercs
 Novembre 2005
 
		>> 
		Voir (ou revoir !) en DVD 
		La Belle et la BêteJean Cocteau
 Edition Collector 2 DVD disponible en février 2006
 Studio Canal
 
		***************************************************************** © 
		Crédits photographiques : O.V. |