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Les Mystères de Paris (2ème partie) :
>> Le cimetière du
Père-Lachaise

[Retour lieux hantés]


 

Le succès du Da Vinci Code, dont l’intrigue se déroule majoritairement à Paris, a prouvé aux amateurs d’énigmes que la capitale française dispose toujours d’une forte dimension fantastique. Nombreux sont désormais les touristes qui suivent les traces (1) des héros de Dan Brown, du Louvre à l’Eglise Saint-Sulpice, en suivant la « Rose Ligne », à la recherche d’un mystérieux trésor. Mais le roman n’a rien inventé : il a simplement servi de révélateur à l’extraordinaire potentiel historique et magique de Paris. Il a donné envie aux lecteurs de devenir des chasseurs d’insolite. Qu’il y ait trésor ou non sous les pavés de la ville, Paris regorge de lieux atypiques et de petites histoires qui font la joie des piétons.

Par Erick Fearson et Olivier Valentin

Bravant l’agitation urbaine et la chaleur estivale, l’équipe de Maison-Hantee.com a sillonné les rues du vieux Paris en quête de légendes surnaturelles. Vous qui aimez flâner dans les allées ombragées des Jardins du Luxembourg ou des Tuileries, savez-vous qu’ils sont hantés par de curieux fantômes ? Quelle est cette étrange tour accolée à la Bourse de Commerce et liée au destin tragique de Catherine de Médicis ? Quant aux admirateurs de Notre-Dame, se doutent-ils que la célèbre cathédrale porte l’empreinte du diable ? Voici le premier épisode d’une série d’enquêtes dans les coulisses du Paris hanté…

Premier rendez-vous donné dans un petit café du Carrefour de l’Odéon pour faire le point sur nos ghost stories. Le constat est immédiat : il faudra faire plusieurs visites, dont une exclusivement dédiée au cimetière du Père-Lachaise ! Nous sélectionnons donc les premiers sites, répartis entre le 6ème, le 5ème et le 1er arrondissement de Paris. Creusés par la faim, nous rassasions nos estomacs et filons vers le rue de Vaugirard.

Les concerts privés de l'homme à la redingote

En pénétrant dans le jardin du Luxembourg, nous abandonnons avec plaisir la foule, le bruit et la circulation parisienne. Nous allons pouvoir goûter à un peu de tranquillité, condition essentielle pour chasser le spectre.

Notre joie est de courte durée. Il va être difficile de traquer le fantôme aujourd’hui car il fait chaud et, de ce fait, les espaces verts de la capitale sont envahis par les parisiens et les touristes, en mal de calme et de soleil. Cependant, ce n’est pas parce que nous ne le croiserons peut-être pas qu’il n’existe pas ! Quelques témoignages font état de sa présence. On peut donc penser que l’homme à la redingote, comme on le surnomme, hante toujours les jardins du Luxembourg.

Le témoignage le plus troublant fut sans doute celui de Jean Romier, jeune étudiant en médecine. Au moment des faits, c’est-à-dire en 1925, il avait 24 ans. Un beau matin de juin, le jeune homme décida de réviser ses cours en profitant du parc. Il était dix heures quand un vieil homme, affublé d’une redingote, s’installa sur le banc où révisait l’étudiant. La conversation s’établit très vite entre les deux hommes. Au cours de celle-ci, ils s’aperçurent qu’ils avaient quelque chose en commun : la musique de chambre. La discussion tourna donc autour de ce sujet. L’homme à la redingote, qui s’appelait en réalité Alphonse Berruyer, confia à Jean Romier qu’il organisait de temps en temps, chez lui, des concerts intimistes. Il invita d’ailleurs l’étudiant à se joindre au prochain concert.

Le jeune homme se présenta donc à l’appartement de M. Berruyer, au troisième étage d’un immeuble rue de Vaugirard. Le vieil homme l’accueillit et l’invita à se joindre au cercle d’amis qui attendait, avec impatience, dans le salon, le commencement du petit concert. L’endroit était charmant bien qu’un peu désuet car meublé à l’ancienne. Au cours de la soirée, Jean se rendit dans le fumoir jouxtant le salon et fit la connaissance d’un jeune séminariste qui l’entretint du rapport étroit entre la musique et le spirituel. Il était minuit quand le jeune homme quitta l’appartement. Sur le chemin du retour, il voulut allumer une cigarette mais ne trouva pas son briquet. Il prit alors conscience qu’il l’avait oublié dans le fumoir de l’appartement. Il fit demi-tour, monta les marches de l’immeuble et frappa à la porte. Pas de réponse. Il réitéra ses coups mais en vain ! Alerté par le bruit, un voisin sortit sur le palier et lui expliqua que l’appartement était inhabité et que M. Berruyer était… mort depuis vingt ans maintenant ! « Impossible » répliqua Jean Romier puisqu’il était là il y a quelques minutes avec plusieurs amis. Le ton monta et attira le concierge de l’immeuble. Prenant l’étudiant pour un cambrioleur, toute l’équipe se retrouva au commissariat.

Le père vint y chercher son fils et se porta garant de sa bonne foi. Pour éclaircir cette affaire, on fit venir l’actuel propriétaire, un certain M. Mauger qui, d’ailleurs, n’habitait pas l’appartement en question. Toute l’équipe se rendit donc à cette adresse pour lever le voile sur cette mystérieuse affaire.

En pénétrant dans l’habitation, Jean Romier fut frappé par le spectacle qui s’offrit à ses yeux : l’appartement était complètement désert. Non seulement il n’y avait personne, mais, plus étrange encore, il n’y avait plus aucun des meubles qui, quelques heures auparavant, garnissaient l’endroit. Cependant, le regard de l’étudiant fut attiré une photo jaunie par le temps et encadrée au mur. Elle représentait le séminariste avec qu’il avait discuté un long moment ! Plus étonnant encore : le jeune séminariste n’était, ni plus ni moins, que le grand oncle de l’actuel propriétaire, mort en Afrique ! M. Mauger se souvint également que M. Alphonse Berruyer organisait des petits concerts privés ici-même. Mais le plus extraordinaire fut pour la fin : le jeune étudiant entra dans la pièce qui faisait office de fumoir et se dirigea vers la cheminée. A la stupéfaction générale, il trouva sous une épaisse couche de poussière ce qu’il a oublié plus tôt dans la soirée : son briquet !

Si vous voulez croiser le fantôme de l’homme à la redingote, préférez la visite du parc à son ouverture ou juste avant sa fermeture. Vous y serez plus tranquille et dans l’état d’esprit adéquat pour percevoir le monde de l’invisible.

Pluie de pierres

En traversant le boulevard Saint-Michel, nous entrons dans le 5ème arrondissement, direction la rue Cujas qui longe de prestigieuses maisons de culte et de savoir : la Sorbonne, le Lycée Louis le Grand, la bibliothèque Sainte-Geneviève, le Panthéon, l’église Saint-Etienne du Mont et le lycée Henri IV (rue Clovis).

L’explication de cette traversée nous est donnée par la Gazette des Tribunaux datée du 2 février 1846 (2) : une nouvelle rue a été percée pour joindre la Sorbonne au Panthéon et à l’Ecole de Droit. Or, cette même gazette rapporte un fait étrange concernant le percement de cette rue : « Dans les travaux de démolition (…), se trouve le chantier d’un marchand de bois nommé Lerible, chantier qui borne une maison d’habitation élevée d’un seul étage, avec grenier. C’est cette maison, éloignée de la rue d’une certaine distance (et séparée des habitations en démolition par les vastes excavations de l’ancien mur d’enceinte de Philippe Auguste) qui se trouve, chaque soir et toute la nuit, assaillie par une grêle de projectiles qui, par leur volume et par la violence avec laquelle ils sont lancés, produisent des dégâts tels qu’elle est percée à jour, que les châssis des fenêtres, le chambranle des portes sont brisés, réduits en poussière comme si elle eût soutenu un siège… »

Attirés par cette hantise inhabituelle et alertés par l’emplacement d’un vestige de l’enceinte de Philippe Auguste (rue Clovis, entre la rue Descartes et la rue du Cardinal Lemoine), nous recherchons des traces de cette maison ou, du moins, son ancien emplacement. En vain ! Nous nous laissons alors rêver à cette histoire de pluie de pierres. La gazette s’interroge : « D’où viennent ces projectiles qui sont des quartiers de pavés, des fragments de démolitions, des moellons entiers qui, d’après leur poids et la distance d’où ils proviennent, ne peuvent être évidemment lancés de main d’hommes ? C’est ce qu’il a été jusqu’à présent impossible de découvrir. En vain a-t-on exercé, sous la direction personnelle des commissaires de police, une surveillance de jour et de nuit, en vain a-t-on lâché, chaque nuit, dans les chantiers environnants, des chiens de garde, rien n’a pu expliquer le phénomène que le peuple attribue à des moyens mystérieux… »

Nous quittons la rue Clovis sans la solution de l’énigme car les phénomènes auraient cessé aussi brusquement qu’ils avaient commencé sans que le mystère ne fût éclairci.

Mauvaise tête

En redescendant la rue du Cardinal Lemoine, nous tombons sur la rue Monge que nous suivons en direction de la Seine. A la place Maubert, une petite rue rejoint le quai de Montebello : la rue Maître Albert.

Qui pourrait penser que, dans cette rue discrète, vécut Albert de Cologne (1193–1280), plus connu sous le nom d’Albert le Grand. Théologien, savant orthodoxe et surtout magicien, il a laissé, dans l’histoire, le plus célèbre grimoire de basse sorcellerie : « Les merveilleux secrets du Grand et du Petit Albert ».

Né en Allemagne, cet érudit mystique a étudié à Padoue, à Bologne et à l’université de Cologne avant de venir s’installer à Paris, rue Perdue, qui aujourd’hui a été rebaptisé de son nom. Cet homme étonnant donnait ses leçons sur la place Maubert, à quelques pas de là. Il semblerait d’ailleurs que le nom de cette place soit une déformation de son nom.

En plus d’être un alchimiste et un occultiste incontestable, ce savant, particulièrement en avance sur son temps, était aussi un spécialiste de l’exégèse des écritures ! On sait aussi qu’il correspondait avec Raymond Lulle, Arnaud de Villeneuve (magicien et philosophe) et surtout Roger Bacon qui aurait, dit-on, découvert la pierre philosophale…

Nous nous trouvons au bout de cette petite rue, devant son ancienne demeure, aujourd’hui transformée en restaurant. C’est à cet endroit même qu’il aurait installé son laboratoire de recherche, dans lequel il pratiqua l’alchimie, la magie cérémonielle et la nécromancie. Bien heureusement pour lui, l’époque de la chasse aux sorcières n’était pas encore survenue. Car nul doute qu’il aurait été conduit au bûcher pour ses activités occultes à l’odeur de soufre. Cependant, il eut quelques problèmes avec le pouvoir de l’époque, notamment avec l’un de ses plus fameux disciples, le théologien Thomas d’Aquin. Malgré son admiration pour le maître, le jeune Thomas n’accepta pas la magie naturelle des plantes et condamna sévèrement l’astrologie et la nécromancie. Moralité : rien n’empêche d’être l’un des plus fameux théologiens de son temps et, en même temps, avoir un esprit complètement fermé.

Dans l’obscurité de son laboratoire, Maître Albert aurait fabriqué une incroyable tête artificielle, dotée de mouvements et capable de répondre aux questions posées. Ce fait fut attesté par de nombreux témoins. Et pour le dogmatique et intolérant (n’est-ce pas là un pléonasme ?!) Thomas d’Aquin, ce fut une injure à la création divine. De plus, le grand Maître ne se contenta pas de cela puisqu’il invoqua aussi les esprits et fit parler les morts. C’en fut trop pour le jeune théologien qui, après de longs débats houleux avec le Maître de l’art, détruisit la tête démoniaque, à coups de bâton.

Aujourd’hui, si vous vous perdez dans cette petite rue étonnamment calme, vous constaterez que l’esprit de Maître Albert est omniprésent. Avec un peu de chance, vous y croiserez peut-être sa silhouette spectrale éclairée par les rayons lunaires…

L'orfèvrerie du diable

Traversant la Seine par le Petit Pont, nous nous retrouvons face à l’immense cathédrale de Notre-Dame, sollicitée sans relâche par des hordes de touristes. Mais il est inutile de faire des heures de queue pour admirer un prodige de sa construction. Au portail central, aujourd’hui restauré, de lourdes portes sont décorées de serrures et de paumelles, que l’on dit être l’œuvre de Satan…

Par la construction de leurs ferronneries, ces portes sont une énigme ! Au début du 14ème siècle, les chanoines commandèrent ces étonnantes ferronneries à un jeune serrurier ambitieux du nom de Biscornet. Il accepta cette occasion en or. Cependant, il y avait un problème, et de taille ! Le travail était gigantesque pour la petite forge de Biscornet. Qu’à ne cela ne tienne ! Satan étant dans toutes les conversations de l’époque, le jeune serrurier courageux décida de faire appel à ses services. Il se rendit dans les bas-fonds de l’île Saint Louis et alla à la rencontre d’un suppôt de Satan. Avec son sang, il signa un pacte avec le monarque des Enfers qui lui assura que le travail serait fait à temps.

Les jours passèrent mais le travail avançait lentement, trop lentement. La veille du jour de la livraison de son œuvre, Biscornet tomba en syncope. À son réveil, les chanoines de Notre-Dame admirèrent et s’extasièrent sur ces extraordinaires ferronneries dont le jeune serrurier n’était pas l’auteur… Satan avait rempli sa part du marché !

Aujourd’hui encore, ce travail suscite l’admiration et l’étonnement. Voici ce qu’en dit en 1724 l’historien Paul Sauval :

« Ces portes sont admirées par tout ce qu’il y a de serruriers. Le bas est tout couverts de bouillons et de revers de feuilles tournées et travaillé avec étonnement, tant pour la grandeur que pour la beauté de l’ouvrage. D’autant plus que ceux du métier n’ont pu connaître sa fabrique, car les uns croient que c’est du fer moulé qu’ils appellent « fer de barreau » ; d’autres disent qu’il est fondu et limé ; d’autres prétendent qu’il est battu au marteau… Ce qui est certain, c’est que le secret fut perdu par la mort de Biscornet, qui avait si peur qu’on ne le lui dérobât que personne, à ce qu’on dit, ne l’a vu travailler… ». Un autre mystère est lié à ces portes. On posa les vantaux cérémonieusement et très rapidement. Ceci fait, il fallait se rendre à l’évidence : il était impossible de les ouvrir ! Pour cela, on dût les asperger d’eau bénite et réciter l’exorcisme…

Durant les semaines qui suivirent, le jeune serrurier demeurait introuvable. Était-il terrorisé ? Car le pacte était clair. Satan avait rempli sa part du marché, Biscornet devait maintenant lui offrir son âme. Il ne pouvait s’y soustraire. Peu de temps après, il mourut. Mais on raconte que, sur sa tombe au cimetière des innocents (à l’emplacement actuel des Halles), son fantôme faisait de fréquentes apparitions psalmodiant d’étranges et obscures invocations sataniques. Alors, le soir venu, si vous faîtes une ballade dans le quartier, ne vous étonnez pas de croiser un serrurier à l’allure étrange, venu d’un autre temps. C’est peut-être le spectre de Biscornet cherchant à sauver son âme…

Abandonnant le fantôme de Biscornet à ses négociations avec l’au-delà, nous longeons la Seine par le quai de la Mégisserie et profitons des bouquinistes pour dénicher un exemplaire épuisé du Guide de la Bourgogne et du Lyonnais mystérieux aux éditions Tchou Club Princesse.

L'astrologue de la reine

Au Louvre, nous tournons à droite et remontons la rue de l’Amiral de Coligny jusqu’à la rue du Louvre. Au niveau de la place des 2 Ecus, on distingue, sur la droite, un édifice circulaire entouré par la rue de Viarmes : la Bourse de Commerce, construite sous le règne de Louis XVI. En contournant le bâtiment par la droite, nous tombons au pied d’une colonne de 31 mètres de haut, seul vestige d’un palais royal autrefois connu comme l’Hôtel de la Reine.

Au 16ème siècle, Catherine de Médicis, alors reine de France, affectionnait les arts divinatoires. Avant chaque décision importante, elle prenait l’habitude de consulter un astrologue Florentin du nom de Cosme Ruggieri. Le rôle prémonitoire prêté aux planètes à cette époque explique d’ailleurs l’origine du mot « désastre »ou « des astres ». Très influent à la cour depuis 1559, ce devin qui partageait sa réputation avec Nostradamus était un familier des horoscopes, des talismans et des philtres en tous genres. Il fut aussi mêlé à plusieurs affaires d’envoûtement qui lui valurent des années de galères.

En 1572, alors que Ruggieri prédit à la reine "qu’elle mourrait près de Saint-Germain", elle chercha à éviter à tout prix les lieux qui portaient ce nom, tels que le château de Saint-Germain-en-Laye et le Palais des Tuileries qui dépendait de la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois.

Elle ordonna alors la construction d’une résidence à l’emplacement du couvent des Filles-Pénitentes et, trois ans plus tard, d’un observatoire astronomique dans l’encoignure de la cour intérieure (en haut à droite sur l'image ci-contre). On y accédait par une porte donnant dans l’appartement de la reine. Un escalier à vis de 147 marches, éclairé par d’étroites meurtrières, débouchait sur un cabinet recouvert de verrières. Ainsi naquit l’Hôtel de la Reine.

Cependant, malade et victime de la disgrâce de ses amis, Catherine de Médicis se retira à Blois en 1588. Son état s’aggravant, elle fut obligée de s’aliter. Se préparant au pire, un jeune abbé du château lui donna l’extrême-onction le 15 janvier 1589. Au moment où il se présenta à la reine pour la première fois, son nom provoqua la prostration puis la mort de cette dernière quelques semaines plus tard : Julien de Saint-Germain !

Après le décès de Catherine de Médicis, Ruggieri continua de scruter dans le ciel le destin des principaux personnages de la Cour, du haut de sa tour. Mais ses positions à l’encontre de l’église et ses nombreux blasphèmes lui attirèrent les foudres du clergé jusqu’à sa mort. Ce dernier lui refusa une sépulture en terre sainte et fit jeter son corps à la voirie après l’avoir donné en spectacle dans les rues de Paris. Le traitement infligé à la dépouille de cet énigmatique personnage expliquerait-il la légende selon laquelle, les soirs d’orage, une longue silhouette noire apparaîtrait au sommet de la tour, au gré des éclairs ?

Après la mort de Ruggieri en 1615, la colonne tomba en désuétude. L’hôtel, transformé en luxueux tripot, fut démoli en 1748 et les matériaux vendus pour payer les dettes de son dernier propriétaire, le prince Victor-Amédée de Savoie. La Ville de Paris en fit l’acquisition en 1750 grâce au don d’un passionné d’arts, Petit de Bachaumont, qui l’acheta 1 500 livres pour la préserver de la destruction.
De nos jours, la tour défie encore l’imagination. Malgré les nombreux bouleversements survenus dans le quartier au fil du temps, il est étrange qu’elle soit encore debout. A son pied, on peut toujours voir les vestiges d’une fontaine, installée par la Ville de Paris lors de son acquisition, restaurée en 1818 mais aujourd’hui tarie. Au sommet, une carcasse métallique, ouverte aux vents témoigne de l’ancien cabinet de Ruggieri. Un cadran solaire y a existé entre 1750 et 1888.

L’Hôtel de la Reine, devenu l’Hôtel de Soissons en 1606, céda la place à la Halle-aux-blés en 1765 puis à la Bourse de Commerce en 1889. A cette époque, le projet de déplacer la colonne au centre de l’édifice circulaire avait même vu le jour avant d’être abandonné.

La colonne n’a plus aucune communication avec la Bourse de Commerce. Sa seule entrée demeure la petite porte extérieure cadenassée. L’accès est interdit et la colonne astrologique, qui est classée, ne se visite pas.

Avec prudence, n’hésitez pas à vous y rendre un soir d’orage pour tenter d’apercevoir le spectre de Ruggieri, prisonnier de sa cage métallique…

La chaleur est accablante. Une pause rafraîchissante nous prépare à affronter le soleil du Jardin des Tuileries à la rencontre de l’homme rouge. Nous y accédons par la rue de Rivoli.

L'Ecorcheur des Tuileries

A nouveau, la légende de ce fantôme prend sa source avec Catherine de Médicis. Avant la construction du Palais des Tuileries en 1564, une aile entre le pavillon de Marsan et le pavillon de Flore, se trouvait une petite résidence royale, une sablonnière, une fabrique de tuiles et un abattoir où « officiait » un écorcheur prénommé Jean. Sa trop grande connaissance des secrets de la reine lui valut d’être assassiné. Les circonstances de son meurtre demeurent obscures. Le criminel, qui s’appelait de Neuville, dut s’y reprendre à trois fois pour l’occire. Avant de mourir, Jean l’Ecorcheur eut le temps de proférer une menace : « Je reviendrai ! ». La prédiction ne se fit pas attendre. Sitôt retourné auprès de la reine pour rendre compte de sa mission, de Neuville eut la nette impression d’être suivi par l’écorcheur, trempé de sang. Effrayé de brandir son épée face au vide, malgré l’apparition, il retourna sur les lieux du crime. Plus aucune trace du corps ! Seule subsistait une marre de sang. La victime avait-elle survécu à ses blessures ? Le mystère commençait…

Terrorisé, de Neuville raconta son incroyable aventure à la reine qui fit mine de n’y prêter aucune attention. Mais, quelques jours plus tard, l’astrologue Cosme Ruggieri rapporta à Catherine de Médicis une étrange vision. Alors qu’il se prêtait à une séance de divination, il fut aussitôt plongé dans un mystérieux brouillard duquel surgit un fantôme. Se prétendant dépositaire de l’avenir des Tuileries, il prédit qu’il allait en chasser Catherine et qu’elle mourrait près de Saint-Germain. Le fantôme annonça aussi les déchéances successives des maîtres du château.

Perturbée par ces visions, Catherine de Médicis regagna sa chambre. Mais, dans la pénombre d’une petite pièce, elle tomba nez-à-nez avec le spectre de l’homme rouge. Ce jour-là, elle décida de quitter les Tuileries pour une nouvelle résidence, l’Hôtel de la Reine.

Dès lors, les apparitions de l’homme rouge aux Tuileries furent de mauvais augures.

Pendant la Révolution Française, la famille royale était prisonnière aux Tuileries. Le spectre rouge apparut à la reine Marie-Antoinette et fut attribué par sa compagne, Mme de Campan, à un certain Jean Lerouge qui, quelques jours plus tôt, avait hissé un cœur de veau au bout d’une pique avec l’inscription "cœur d’aristocrate".

Sous l’Empire, le fantôme se manifesta à Napoléon à la veille de Waterloo. Assis dans son fauteuil, l’Empereur aperçut, dans un brouillard oppressant, la silhouette de l’homme rouge portant un bonnet de laine semblable au bonnet phrygien. On connaît le triste sort que subirent les troupes impériales en Belgique le 18 juin 1815. Et la chute de l’Empire qui s’en suivit…

Quant à Louis XVIII, hôte des Tuileries après Napoléon, son frère, le Comte d’Artois, qui traversait le jardin du château crut voir les fenêtres du cabinet royal s’empourprer d’une lumière ardente.

Le lendemain, le roi lui confia qu’il avait été victime de l’apparition d’un homme couleur de sang. Le Comte fit le rapprochement avec son expérience de la veille. Ce qui n’inquiéta nullement Louis XVIII. Pourtant, le roi décéda quelques jours plus tard des suites d’une brusque dégradation de santé. Le monarque a-t-il été victime d’une maladie psychosomatique ou d’un authentique cas de hantise prémonitoire ? Nul ne le sut jusqu’à la chute des Tuileries en mars 1871.

Un gigantesque incendie qui dura trois jours provoqua l’explosion du pavillon central, bourré par les insurgés de poudre, de goudron liquide, d’essence de térébenthine et de pétrole. Dans le brasier, on raconte qu’un spectre de pourpre fit une dernière apparition aux fenêtres de la salle des Maréchaux. Le fantôme de l’homme rouge qui, comme il l’avait prédit à Ruggieri, faisait ses adieux avant de disparaître avec les Tuileries ?

Aujourd’hui, de l’ancien château, il ne subsiste que deux annexes, à l'autre bout du jardin (côté Concorde), datant de 1853 : l’Orangerie (actuellement en rénovation) et le Jeu de Paume (occupé par un musée). Dans le jardin, voulu par Catherine de Médicis et qui fait de nos jours la joie des promeneurs et des oiseaux, on goûte à la splendeur des bassins, des espaces verts et des statues agencés dans une remarquable perspective, de la place de la Concorde au Louvre. On imagine le faste d’un palais qui connut trois siècles d’histoire mouvementée et disparut dans la fournaise, victime de l’insurrection populaire. Comme l’avait prévu Jean l’Ecorcheur…

Le soleil décline dans le ciel de Paris. Il est temps de laisser la ville et ses fantômes profiter des dernières lueurs du crépuscule. Nous formulons le vœu de nous retrouver prochainement pour explorer les allées du cimetière du Père Lachaise, la plus vaste nécropole de la capitale où plus de six cent mille corps gisent dans l’attente du Jugement Dernier.   E. F. et O.V.

>> Les Mystères de Paris - 2ème partie : Le cimetière du Père-Lachaise

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(1) Pour en savoir plus, consulter l’excellent guide de Peter Caine « Sur les pas du Code Da Vinci » publié en avril 2005 aux éditions Bartillat. Réalisé par le fondateur de Paris Walks, organisateur de visites thématiques de Paris, ce guide s’appuie sur les lieux-clefs du roman de Dan Brown et va au-delà en proposant de nombreuses idées de ballades insolites dans le Paris ésotérique.

(2) Cité dans le « Guide de Paris mystérieux », Editions Tchou, réédition 2001, p.281-282

Bibliographie

Paris secret et insolite, Rodolphe Trouilleux, Parigramme, Janvier 2003

Guide du Paris savant, Anna Alter et Philippe Testard-Vaillant, Belin, Juin 2003

Guide de Paris mystérieux, Les Guides Noirs nouvelle édition, Tchou, Juillet 2001

Evocation du Vieux Paris, Jacques Hillairet, Les Editions de Minuit, 1960

Sur les pas du Code Da Vinci, Peter Caine, Bartillat, Avril 2005

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© Crédits photographiques : Olivier Valentin

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