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[Retour lieux hantés]

Dans la série télévisée "Belphégor" de Claude Barma (1965), le premier épisode s’ouvre sur un vieil homme qui confie à André Bellegarde (Yves Rénier) que les coïncidences sont comme des îles en mer, lorsqu’on enlève l’eau, on se rend compte qu’elles sont reliées à la terre ferme. Ce ne sont pas donc des îles ! Puis, après avoir ouvert des boites de conserves dans lesquelles il collectionne des coupures de presse sur des phénomènes étranges, il s’interroge : "Pourquoi la science refuse-t-elle de se pencher sur ces faits ? Parce qu’ils sont troublants ?" André Bellegarde corrige : "Peut-être parce qu’ils sont invraisemblables !" Et le vieil homme de conclure : "Qu’est-ce que ça peut faire qu’ils soient invraisemblables, s’ils sont vrais ?" Comme lui, Erick Fearson ne croit pas aux coïncidences ! Et veille scrupuleusement à ce que des faits, apparemment sans lien, méritent d’être étudiés, même si les conclusions de l’enquête peuvent surprendre !

En compagnie de Nadia, elle-aussi passionnée par les histoires de fantômes, Erick part sur les traces d’une femme qui fut au centre d’une troublante affaire de hantise dans une pharmacie de l’Eure. En chemin, il s’est arrêté au beau milieu d’une forêt à la végétation étonnante pour tendre l’oreille parmi les ruines d’un ancien château-fort. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les fantômes ne se montrent pas sur commande ! Démonstration.

Par Erick Fearson avec l’aimable collaboration de Nadia Jrad

Comme à mon habitude, je consulte régulièrement mes archives, car elles sont tellement denses que je ne peux pas me souvenir de tout. Cependant, et à plusieurs reprises, un fait divers étrange émerge étonnamment du lot. Est-ce un appel ? Un signe ? Peut-être… Et surtout pourquoi ? Car paradoxalement, je n’ai que peu d’informations sur ce sujet. Je laisse donc cette anecdote de côté et continue mes occupations.

Un livre tombé du nid

Mais un soir d’octobre 2005, il se fait tard et je suis un peu fatigué. Comme il m’est impossible de tomber instantanément dans les bras de Morphée, je fouille dans ma bibliothèque à la recherche d’une délicieuse "ghost-story". Délicieuse mais néanmoins effrayante qui conditionnera, je l’espère, mes cauchemars nocturnes. Je fouine donc parmi toutes mes œuvres, quand malencontreusement, je fais tomber un livre à terre. Il s’agit bien évidemment d’un ouvrage parlant, entre autres, de lieux hantés. Dans sa chute, il s’est ouvert et se retrouve lamentablement étalé sur le parquet. Quel triste spectacle que de voir ce précieux livre hors de son écrin, c’est-à-dire de sa bibliothèque. Ne supportant pas de voir ainsi un ouvrage sans défense, je le ramasse délicatement, comme un oiseau tombé du nid, pour lui faire rejoindre ses "congénères". Quelle n’est pas alors ma surprise en regardant par curiosité la page à laquelle il s’est entrouvert ! Elle traite justement de ce fait divers qui attira mon attention quelques semaines plus tôt ! Cependant, même intrigué par cette étrange coïncidence, je décide de ne pas y prêter attention et me trouve une bonne histoire de fantôme à me mettre sous la dent, comme je l’avais prévu initialement.

Les grands esprits se rencontrent !

Novembre 2005. En ce début de mois et puisque la météo est encore clémente, je décide de rendre visite à une amie résidant dans la campagne normande. Nous parlons de tout et de rien. Bien évidemment, il arrive un moment où la conversation se met à aborder les phénomènes de hantises. Cette amie me demande si j’ai déjà entendu parler de la pharmacie hantée de Saint-Georges-du-Vièvre… Pour la troisième fois consécutive, je retrouve sur mon chemin ce fait divers étrange ! Comme le dirait si bien le père de la psychologie des profondeurs, Carl G. Jung, voilà un bel exemple de… "synchronicité" ! C’en est trop. Je dois savoir de quoi il en retourne. Nadia, l’amie en question, accepte de me seconder dans mes investigations.

Avant de programmer cette petite expédition, je rassemble toutes les informations que je possède sur ce lieu. Elles sont malheureusement bien maigres. Peu importe, j’en profiterai pour aller rendre une petite visite aux fantômes du château de Montfort-sur-Risle. Bien que possédant encore moins d’indices et de données sur l’origine de cette hantise que sur celle de Saint-Georges-du-Vièvre, je tiens à y jeter tout de même un œil. Cette forteresse étant située à une petite dizaine de kilomètres de la pharmacie, il serait donc dommage de ne pas m’y rendre.

Le triste destin du château de Montfort-sur-Risle

Lundi 14 novembre 2005. Me voici rendu à Pont-Audemer où réside Nadia que je prends au passage. Malgré le froid, la journée est ensoleillée. Cap sur le château hanté de Montfort-sur-Risle. Pour nous mettre dans l’ambiance et commencer la journée d’un bon pied, nous roulons en compagnie des notes épiques du groupe de métal symphonique Rhapsody. Un pur moment de bonheur ! J’emprunte la D621 qui nous mène jusqu’à la D130 pour atteindre finalement notre destination. Pour rejoindre la forteresse qui se trouve – conception médiévale oblige !– sur des hauteurs, nous devons sortir du village. Nous empruntons donc le chemin de Saint-Michel qui nous mène à la bâtisse aux esprits !

La voiture s’engouffre dans une forêt épaisse qui obscurcit les lieux et dévore la lumière solaire. En l’espace d’un instant, nous pénétrons dans un autre univers, fait d’ombres mais paradoxalement dénué de lumière. Après s’être garés, nous marchons un peu et parvenons jusqu’à une petite clairière. A l’autre extrémité, le château féodal se découpe sur un ciel devenu légèrement chargé. Château féodal ou, tout du moins, ce qu’il en reste ! Car en toute franchise, c’est un champ de ruines qui s’offre à nos yeux.

Les affres du temps peut-être ? Pas tout à fait !

Datant du 10ème siècle, ce fort a vraisemblablement été construit avec les débris des premières murailles romaines. En 980, Toussaint de Hastebourg fut le premier propriétaire des lieux, suivi par sa descendance, depuis Hugues I jusqu’à Hugues V de Montfort. S’étendant sur 4,5 ha, cette forteresse inattaquable était défendue par deux fossés séparés par d’épaisses et hautes murailles. Elle symbolisait la puissance des Montfort. Malheureusement, pour punir la fidélité d'Hugues à Jean Sans Terre, Philippe Auguste, Roi de France, confisqua en 1204 le château imprenable. Avant de l'abandonner amèrement au souverain, Jean Sans Terre le détruisit. Décidé de le céder en piteux état, il démolit les étages supérieurs du donjon, écroula les tours, combla le puits et démantela les murailles, laissant ainsi un tas de pierres inhabitable aux envoyés du Roi venus en prendre possession.

Fantastic Park ?

Nous nous frayons un chemin pour accéder à ces vestiges d’un temps révolu. La végétation recouvre la totalité de l’enceinte. Nous explorons le site. Nadia étant photographe, je la laisse prendre des clichés pendant que je déambule parmi ces ruines. Mon regard est attiré par d’étranges plantes semblant provenir d’une autre planète. Les fines gouttelettes de rosée recouvrant ces énormes végétaux leurs donnent un aspect plus étrange encore. Ce lieu est calme et reposant. J’essaye de me connecter psychiquement à l’endroit. À la différence de beaucoup de lieux hantés, je ne ressens aucune oppression, aucun malaise. Pas même une infime chute de température et encore moins la sensation d’être observé. En vérité, je ne ressens rien ! Cela voudrait-il dire qu’il n’y a aucun fantôme dans ces bois isolés ? Non, pas nécessairement ! Qui hante ce lieu et pourquoi ? Où se trouve exactement l’épicentre de la hantise ?

Je me pose toutes ces questions mais n’ai aucun indice pour y répondre. Car en vérité, les informations concernant ces manifestations paranormales restent sommaires. Je pensais que mes ressentis pouvaient m’aider dans cette tâche, mais je dois me résoudre à l’évidence. Ils ne me sont d’aucune aide. Il y a des jours avec et des jours sans. Mais cela peut néanmoins s’expliquer…

Concerto spectral

En effet, il semble que cette hantise soit à classer parmi les apparitions récurrentes. Autrement dit, un fantôme qui apparaît de façon cyclique et ne se manifeste qu’une fois par mois ou qu’une fois par an à une date bien précise. En l’occurrence, d’après mes sources, ce spectre semble ne se manifester qu’une fois dans l’année durant la nuit de la Saint-Jean. Effectivement, le 24 juin, une étrange et envoûtante musique se fait entendre à l’intérieur et dans les environs proches du château. Elle semble provenir des profondeurs de la terre. J’ai cherché un accès aux souterrains de ce château, mais ceux que j’ai pu trouver sont irrémédiablement obstrués. Je ne percerai donc pas aujourd’hui le secret bien enfoui de ce concerto de l’au-delà et devrai patienter jusqu’à la prochaine nuit de la Saint-Jean. Je dois me rendre à l’évidence. En cette belle journée d’automne, les seuls hôtes de ce lieu perdu resteront les corbeaux. L’endroit méritait pourtant ce détour !

Bredouilles mais néanmoins inspirés, nous mettons les voiles en direction de la pharmacie hantée de Saint-Georges-du-Vièvre. Arrivés dans le village par la D47, je me gare sur le parking jouxtant la fameuse officine. Nous recueillons quelques témoignages durant cette halte. Mais avant tout, un retour sur les faits s’impose. Car, dans ce hameau, on parle à demi-mots d’esprits malfaisants et d’une affaire de sorcellerie…

Des phénomènes non remboursés par la Sécurité Sociale

L’affaire débuta en décembre 1929. Des évènements surnaturels se déchaînèrent dans la pharmacie Gourlin de Saint-Georges-du-Vièvre. Inexplicablement, des bocaux se déplaçaient sans raison dans l’officine, alors que d’autres se mettaient à léviter avant de se briser à terre avec perte et fracas.

Un mortier de plus de vingt kilos se déplaça parmi ces mêmes bocaux. Mu par une force inexplicable, un escabeau utilisé pour bloquer l’ouverture de la porte d’un placard se retrouva à l’autre extrémité de la pièce. Un autre jour, c’est au tour d’une chaise de se retrouver propulsée à deux mètres du sol. On pouvait penser que ces phénomènes s’arrêteraient d’eux-mêmes. Ce ne fut pas le cas. Les phénomènes ne faiblirent pas et la sarabande surnaturelle continua de plus belle. Animé d’une vie propre, un bocal contenant 2 kilos de naphtaline contourna un meuble et vint se fracasser à 3 mètres de son point normal de chute. Pour éviter que la pharmacie ne soit mise à sac par cette "entité" invisible, M. Gourlin enferma certains bocaux dans une caisse, sous un sac de cinq kilos. Peine perdue, car le sac se souleva de lui-même pour laisser passer un bocal !

Au matin du mardi 7 janvier 1930, on avait recensé 36 manifestations paranormales. Le pharmacien fit appel au curé qui plaça des médailles de Saint-Benoît sur les étagères. Cela ne fut d’aucune utilité puisque la danse des bocaux continua sans interruption (*). La gendarmerie enquêta mais aucune explication rationnelle ne put être trouvée.

L’étrange cas d’Andrée Fontaine

La seule piste qui pouvait éclairer ce mystère était la présence de la jeune bonne de 17 ans : Andrée Fontaine. Effectivement, les phénomènes se produisaient toujours quand elle se trouvait à proximité de la pièce "hantée". Quand celle-ci s’absentait de l’échoppe, plus rien ne se produisait. On pouvait alors penser à une fraude. Mais ce ne fut pas le cas ! Malgré une surveillance constante des agissements d’Andrée Fontaine, les phénomènes se produisaient sans intervention directe de sa part. Las de ces étrangetés, on renvoya la bonne et les phénomènes cessèrent. Mais apparemment, l’affaire ne s’arrêta pas là. Quelques années plus tard, le nouveau propriétaire de la pharmacie, M. Sarrazin, fut victime d’un accident. Suite à la chute anormale d’une bonbonne d’éther, il fut grièvement brûlé. Les gens du village racontèrent que les mauvais esprits hantaient encore les lieux…

Une affaire de sorcellerie ?

Que reste-t-il de cette affaire aujourd’hui ? Est-elle encore dans tous les esprits ? Avec Nadia, je tente d’en savoir plus. Mme T. [NDR : qui souhaite garder l’anonymat], résidant à Saint-Georges-du-Vièvre, nous confie qu’à l’époque, les clients de la pharmacie laissaient leurs sabots crottés, à l’extérieur, sur le seuil de la pharmacie. À leur sortie, les sabots avaient disparu. Elle nous confirme aussi la fameuse valse des bocaux. Selon elle, la sorcellerie ne serait pas étrangère à l’affaire.

Nous poussons la porte de l’office du tourisme. L’employée du lieu nous confirme, elle-aussi, les évènements troublants survenus dans cette pharmacie. Elle ajoute que sa grand-mère fut témoin de ces faits étranges. En plus de ces fameux bocaux "vivants", celle-ci a vu les volets qui se mettaient à claquer inexplicablement.

Mais qu’en pense l’actuelle propriétaire de la pharmacie ? Elle a acheté la pharmacie en 1990 sans avoir eu connaissances des manifestations surnaturelles qui s’y déroulèrent et fut mise au courant par les habitants et les médias. Suite à cela, elle lut les rapports de la gendarmerie qui lui confirmèrent les faits. D’après ses découvertes, une affaire de sorcellerie était derrière tout ça. Au moment des faits, une femme qui en voulait à la jeune bonne lui aurait jeté un sort et Andrée Fontaine aurait été la victime bien innocente de ces phénomènes bizarres.
Pourquoi cette femme lui en voulait-elle ? Impossible de le savoir pour l’instant. La pharmacienne ajoute que même si elle avait eu connaissance des faits avant l’achat de la boutique, cela n’aurait rien changé. "Je n’ai pas peur, car j’ai la foi" précise-t-elle.

La mystérieuse vieille dame n’a pas livré tous ses secrets…

Nous retrouvons l’arrière-petit-fils du pharmacien de l’époque qui n’est autre que l’actuel maire du village, M. Etienne Leroux. Il nous confirme les faits déjà cités. De plus, il en rapporte d’autres qu’il a obtenus dans un rapport familial écrit par M. Gourlin lui-même. Entre autres, les balances de précision qui se trouvaient sous globe de verre se mettaient à bouger, muées comme par une force inconnue. Encore une fois, il semble que les prémices de cette affaire soient liées à une affaire de jalousie. Une femme qui aurait voulu obtenir le poste à la boutique aurait menacé et jeté un sort à la jeune employée de la pharmacie. Ce qui aurait eu comme effet de provoquer ce que l’on sait. Étant homme de science et pour avoir vécu ces évènements, l’arrière-grand-père de M. Leroux aurait été très impressionné par cette affaire…

Après ces témoignages, nous retrouvons la trace d’une certaine Andrée Fontaine vivant à quelques kilomètres du village ! Est-il possible qu’elle soit toujours en vie ?! Car selon mes calculs, elle devrait être âgée de 93 ans. Après vérification, c’est le frère de la jeune fille de l’époque qui se prénomme André Fontaine. L’identité de la jeune fille impliquée dans cette affaire a toujours été fausse quels que soient les écrits qui portent sur ce sujet. L’intéressée s’appelait en réalité Henriette et non Andrée. Quoi qu’il en soit, André (sans "e" !) paraît inquiet et ne veut plus parler de l’affaire. Nous apprenons aussi qu’Henriette Fontaine (sa sœur !) est toujours vivante et coule des jours tranquilles dans une maison de retraite de la région d’Elbeuf. L’enquête s’arrête là. Impossible d’aller plus loin… Paix aux hommes et aux femmes de bonne volonté !

Poltergeist !

D’après mon analyse et mes conclusions personnelles, il ne s’agit pas ici d’une affaire de sorcellerie et encore moins d’une affaire de fantômes. Personnellement, je pencherais plutôt pour la thèse du poltergeist. Contrairement aux idées reçues, les poltergeists n’ont rien à voir avec les fantômes. Il faut savoir que le poltergeist est causé par une personne présente sur les lieux de la manifestation. Cette personne est appelée "agent humain". Bien souvent, il s’agit d’une adolescente introvertie et émotionnellement fragile ou qui refoule ses émotions. Selon la théorie la plus courante, cette jeune fille manipulerait inconsciemment les objets autour d’elle par psychokinèse (PK). Elle ignore donc qu’elle est la source des manifestations. Pour rappel, la psychokinèse est le pouvoir de l’esprit sur la matière. C’est-à-dire la faculté d’agir sur l’environnement physique grâce au mental. Ce type d’énergie kinétique reste inexpliqué aujourd’hui, mais quelques scientifiques sérieux commencent à caresser l’idée qu’elle puisse exister.

La nuit est tombée sur Saint-Georges-du-Vièvre et il est temps de partir. Nous n’en saurons pas plus sur l’étrange cas de la pharmacie "hantée" même si c’est déjà beaucoup ! Cependant, une chose est sûre. À l’époque, cette affaire a mis la région en émoi. Soixante-quinze ans après, elle continue d’alimenter les conversations et fait toujours couler beaucoup d’encre… dont la mienne ! Brrr...

E. F.

(*) NDR : La médaille de Saint-Benoît, patriarche des moines d'Occident et patron de la bonne mort, aurait la vertu, par intercession du Saint, de donner une protection particulière contre les attaques du démon, les tentations de toutes natures et les maladies. On peut la porter sur soi ou la fixer sur la porte des maisons. Il est recommandé de n'accorder aucune valeur superstitieuse à cet objet pieux mais plutôt de voir en lui une aide spirituelle. Il ne suffit donc pas de la porter ou de la placer dans l'endroit qu'on veut protéger. Il faut d'abord se conformer aux enseignements du Saint.

Crédits photographiques : Nadia Jrad

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