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(par Yves Lignon)

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Les maisons ont toujours des secrets ! Avec la complicité du parapsychologue toulousain Yves Lignon, Maison-Hantee.com est remonté aux sources d’un roman de Patrick Cauvin, Haute-Pierre, publié en 1985 et inspiré d’une histoire de maison "hantée" à Toulouse.

Par Olivier Valentin

En 1976, à Toulouse, le cinéaste Edouard Molinaro vient présenter son film Dracula, Père et fils, adapté du roman de Patrick Cauvin. Dans la salle, l’écrivain croise le parapsychologue Yves Lignon, invité, en tant que spécialiste des phénomènes paranormaux, pour témoigner sur le mythe des vampires.

Les activités insolites mais néanmoins sérieuses de ce « jeune et sympathique professeur d’université, le style barbe inculte, jeans velours, pipe incorporée et spécialisé de mathématiques quantiques à l’université » (1) intriguent Patrick Cauvin.

Sitôt la projection terminée, ils décident de faire un brin de causette dans un bistrot de la ville rose. Et la couleur vire au noir : Yves Lignon parle de fantômes, de poltergeists et de maisons hantées. En particulier, d’une « une étrange maison néo-gothique inhabitée depuis trente ans [qui] excite l’imagination des Toulousains. » (2)

Dans un article de Patrick Cauvin, signé de son vrai nom Claude Klotz, pour le hors-série de janvier 1977 du magazine Pilote, le romancier raconte l’échange :

« Moi (rigolard) – Vous y croyez, vous ?

Lui – Il ne s’agit pas d’y croire ou de ne pas y croire, c’est un fait, c’est tout. C’est comme si vous me demandiez si je crois au fauteuil dans lequel je suis assis. Cela fait des années que je cherche à pénétrer dans une maison hantée à Toulouse, mais le propriétaire a toujours refusé. »

Le parapsychologue fait mouche. Il vient de piquer la curiosité de l’écrivain. Ce qui ne sera pas sans conséquence : « Evidemment, je suis allé la voir. Et bien, on m’a dit après, que c’était parce que j’étais prévenu, parce que j’étais de parti pris, de mauvaise foi, et bien quand même, je peux bien le dire, je lui ai trouvé une drôle d’allure. Pas de guingois non, mais droite quand même. Les gens du quartier connaissent. Il paraît qu’il s’y passe des choses, on y entend des bruits. Elle est vide depuis plus de 20 ans. » (3)

Vide mais populaire car, selon Yves Lignon, la « maison "hantée" (…) près du pont » était presque devenue une attraction touristique : « (…) elle a pourtant été si connue que je me demandais parfois si l’Office de tourisme ne finirait pas par donner l’adresse. » (4).

Plusieurs légendes circulaient à son sujet. Datant vraisemblablement du XIXème siècle, cette demeure, « isolée, massive, inhabitée » (5), près de la Garonne, à l’architecture inspirée de la maison de Dante à Florence, aurait été construite à l’emplacement d’un ancien gibet et serait donc hantée par les âmes des suppliciés escortées de moines fantômes. Autre récit : L’un de ses anciens locataires, un peintre, y aurait assassiné son modèle féminin. Depuis, son fantôme reviendrait se montrer aux fenêtres de la verrière.

Dans les années 1980, des problèmes de succession ont eu raison des histoires de hantise, les familles refusant de témoigner ou d’ouvrir leurs portes aux curieux. Une fois réglée l’opération immobilière, la maison a perdu de son charme, comme le jardin de son éclat. Sur le terrain vague avoinant la propriété, s’est élevé un immeuble, signe des temps modernes. La maison fut rénovée pour laisser place à des appartements. Pendant les travaux, Yves Lignon a réussi à s’introduire sur le chantier. Avant d’être reconduit à la frontière de l’imaginaire par des ouvriers en plein labeur, ce chasseur de mystères a entraperçu une pièce décorée à la façon des cabinets spirites du XIXème. Sans doute un lieu fréquenté par les médiums ! Et pas seulement les médiums…

En 1981, un peintre haïtien (encore un peintre !) fut invité par le magazine Actuel (6) à faire un tour de France de la sorcellerie. « La question étant : ce type très féru de magie, admirateur du surréalisme, qui côtoie chaque jour les hongans, les prêtres-sorciers du vaudou, et participe régulièrement à des cérémonies occultes, comment va-t-il réagir face à nos diableries locales ? » Le journal a donc entraîné Jacques Gabriel à la découverte de la maison hantée de Toulouse, près du pont Saint-Michel. « Là aussi, Jacques a sorti son bol et sa pierre pour en capter les maléfices. En vain. Les voisins avaient pourtant assuré que l’ancien propriétaire dormait dans un sarcophage et que son fantôme hantait les lieux. » Pour finir, l’article mit à jour une supercherie : « Un coup de téléphone au nouvel acquéreur nous révélait qu’en fait des étudiants s’amusaient à s’y promener la nuit avec des candélabres pour effrayer les passants. » Point final ? Pas pour Patrick Cauvin…

Dans une chronique de la Dépêche, datant de décembre 1999, Yves Lignon rappelle : « Corniches, linteaux, fenêtres à ogives et meneaux rejoignant une petite rue en contrebas, à droite d’un terrain vague. En fallait-il davantage pour que, les jours où la brume monte du fleuve, le passant émotif s’attende à croiser un mystérieux gentleman en cape doublée de soie rouge ? ». La maison était faite pour exciter l’imagination…

Quelques années plus tard, Yves Lignon rencontre l’un de ses amis qui lui déclare : « Tu sais que ma femme est prof de français dans un collège. Elle fait travailler ses élèves sur le roman Haute-Pierre. Lis donc… ».

Publié en décembre 1985 chez Albin Michel et récompensé en 1986 par le Prix Vogue Homme pour le meilleur roman susceptible d’être adapté au cinéma, Haute-Pierre est l’histoire d’une maison maudite ! Un couple et un enfant - qui change de nom tous les jours ! - s’installent dans un vieux manoir dans le Maine-et-Loire. Après un bel été, l’automne tombe sur Haute-Pierre où s’accumulent d’étranges coïncidences. Tous les anciens propriétaires auraient appris, par la maison, la date exacte de leur décès. Et seraient tous morts au jour J. Existe-t-il une malédiction à Haute-Pierre qui menace ses nouveaux occupants ? Marc, scénariste pour la télévision, tente alors de percer le mystère de cette étrange demeure avant qu’il ne fasse une nouvelle victime…

Yves Lignon dévore le roman. Soudain, ses yeux tombent sur ces lignes : « C’était Bonnier qui avait parlé de Rowitz le premier. – S’il accepte de venir, je l’amène : un type sympa. Il a déjà bossé avec moi, comme conseiller technique sur des reportages de parapsychologie, il est souvent invité… Aux Dossiers de l’écran, un soir, il a cassé la baraque. » Plus loin : « Rowitz s’était révélé une excellente fourchette et un conteur intarissable. Il s’occupait à la fois de mathématiques et de ce laboratoire de parapsychologie dont il était directeur. » Pas de doute, Carlo Rowitz, c’est lui ! En lisant tout le chapitre, on comprend que l’auteur s’est fortement inspiré du parapsychologue toulousain pour créer son personnage.

Yves Lignon recontacte Patrick Cauvin. Si le livre est adapté au cinéma, il veut bien y tenir son propre rôle, pour s’amuser. Cauvin lui promet d’en toucher un mot au producteur. Le film se fait, à la télévision, mais sans Lignon. Le temps passe et tout retombe dans l’oubli.

Aujourd’hui, la maison hantée de Toulouse existe encore mais sans fantôme. Seule subsiste la façade néo-gothique, dans l’ancien quartier de l’Inquisition. On peut la toucher mais seulement avec les yeux. Yves Lignon a promis de me la montrer. En attendant, il reste la lecture passionnante d’un roman envoûtant. C’est une histoire de maison qui pourrait arriver à n’importe qui voulant devenir propriétaire. « Chercher une maison, comme l’écrit Patrick Cauvin dans son roman, c’est pénétrer dans le royaume de la mort, du divorce, de la faillite, donc du malheur. » Bref, des souvenirs heureux comme malheureux. On réveille le passé. On hante sa propre maison par ses fantasmes. Dans Haute-Pierre, il y a « le sens de l’étrange » qui émane des vieilles pierres : « La maison était là ; elle attendait dans la nuit, elle guettait la proie de toutes ses pierres, de tous les yeux de ses fenêtres, une bête monstrueuse tapie dans un parc obscur, les murs vivants qui lui avaient pris son fils… » Alors fantômes ou coïncidences ? se demande le protagoniste, pris à son propre piège.

A vous de voir…

O. V.

Haute-Pierre, de Patrick Cauvin
Le Livre de Poche, mars 1987

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P.S. : Les extraits de journaux cités proviennent d’un montage d’articles de presse envoyé anonymement, mais non sans humour !, à Yves Lignon, suite à son passage dans une émission de télévision consacrée à l’étrange. Que son mystérieux auteur en soit ici remercié...

(1) Claude Klotz, hors-série Pilote, 1977. Petite correction de l’intéressé : Yves Lignon n’est pas spécialisé dans les mathématiques quantiques mais dans la statistique mathématique. La mémoire de Claude Klotz lui aura joué des tours…

(2) La Dépêche du Midi, date inconnue.

(3) Claude Klotz, hors-série Pilote, 1977.

(4) La Dépêche du Midi, décembre 1999.

(5) Yves Lignon, La Dépêche du Midi, décembre 1999.

(6) Décembre 1981

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Remerciements : Le service des archives de la Dépêche du Midi.

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