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Pig Island, nouveau Loch Ness ?

Au dernier salon du livre de Paris, les Presses de la Cité ont porté mon attention sur la parution du dernier thriller de Mo Hayder dont l’étonnant parcours a fortement influencé ses choix littéraires.

Après le succès de Tokyo, un best-seller dérangeant sur fond de conflit sino-japonais, Mo Hayder était au salon pour présenter Pig Island*. « La thématique et le scénario peuvent vous intéresser » m’a assuré l’attachée de presse.

C’est l’histoire d’un journaliste, spécialisé dans la démystification des phénomènes paranormaux, qui débarque sur un îlot perdu au large de l’Ecosse pour enquêter sur une mystérieuse secte, accusée d’adorer le diable. Il veut surtout percer le secret d’une créature légendaire qu’un touriste à moitié ivre aurait réussi à filmer. Mais rien ne se passe comme prévu...

A nouveau, Mo Hayder confirme son talent et son sens du suspense !

Il faut dire que son parcours y est pour beaucoup. Après une adolescence londonienne agitée, des petits boulots au Japon et des études de cinéma aux Etats-Unis, elle est revenue en Angleterre pour devenir garde du corps avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Affectée par des événements traumatisants survenus à plusieurs de ses proches, elle a décidé de faire peur et d’inscrire ses récits dans le registre du mystère et du morbide.

Elle sait rendre ses histoires palpitantes avec des moyens simples. Comment ? En s’adressant à nos psychoses les plus élémentaires : peur du mystère, peur du noir, peur des monstres, peur d’être suivi, peur de la différence, peur de souffrir,…

Alors comment parler de Pig Island sans risquer de trahir un secret ?

Il n’y a rien de fantastique dans Pig Island. A part l’ambiance mystérieuse et délétère d’une île perdue au large de l’Ecosse, terre de légendes. Quand on évoque l’Ecosse, on voit des châteaux noyés dans la brume, au bord des lochs. On pense aux fantômes et au monstre du Loch Ness. On s’imagine au comptoir d’un vieux pub, peuplé de marins qui sentent le whisky, à tendre l’oreille pour écouter leurs rumeurs. Il y a un peu de cela dans Pig Island.

Joe Oakes, journaliste spécialisé dans la démystification des phénomènes paranormaux, se rend sur Cuagach Eilean (en gaélique, l’île aux cochons), une « pierre précieuse entre Luing, Jura et la péninsule de Craignish, dans un écrin de mer à l’embouchure du Firth of Lorn. » Pourquoi ce surnom ? Autrefois, on y élevait des cochons. Je n’ai pas résisté à la tentation de vérifier jusqu’à quel point l’auteur s’est inspiré de lieux et de faits réels. Sur une carte, l’endroit est clair. Au sud d’Oban, je repère des îlots anonymes et tente d’y voir la fameuse « cacahuète couverte de prairies et de bois touffus, et fendue dans sa partie centrale par une large gorge rocailleuse. » Sans succès.

Les îles écossaises ne sont pas le moindre des charmes du pays. Belles et sauvages, elles sont des lieux de villégiature privilégiés pour les amoureux de la nature et des croyances celtiques. Islay, Jura, Iona et Mull, entre autres, forment un chapelet d'îles au large des Western Highlands, les Hébrides intérieures. C’est donc à l’ouest que l’on trouve les paysages d’Ecosse les plus ensorcelants et où Mo Hayder a planté son décor : « si vous deviez vous imaginer une secte satanique, vous ne sauriez envisager lieu plus propice que cet îlot lointain et battu par les vagues ».

Dans Pig Island, Joe Oakes enquête sur l’Eglise des ministres de la cure psychogénique, une congrégation qui refuse toute forme d’intervention médicale. Reclus sur une île achetée par leur gourou, Malachie Dove, la trentaine de membres de cette communauté vivent en autarcie, à l’abri des regards. Sauf qu’un touriste à moitié ivre est parvenu à filmer, pendant une traversée, une créature mi-homme, mi-bête, se cachant sur l'île. La secte est immédiatement accusée de diableries. La chasse aux sorcières est lancée. Le journaliste est autorisé à faire un reportage pour faire taire les rumeurs. Mais il se sent pieds et poings liés par la secte. On lui montre ce que l’on veut bien lui faire voir. De tempérament aventurier (et résistant aux chocs électriques...), Oakes décide de braver les interdits et d’explorer les zones reculées de l'île pour comprendre ce qui est arrivé à son plus vieil ennemi, Malachie Dove.

Il met alors le doigt dans un engrenage qui le conduira au cœur de l’abomination humaine. Contrairement à son précédent best-seller, le nouveau livre de Mo Hayder n’insiste pas dans le registre du gore. Tout au plus, elle se permet de décrire des scènes macabres, empruntées au répertoire des guerres et de leurs violences collatérales. Dans Pig Island, la douleur est plus sournoise : le supplice vient de l’absence du bourreau. A la manière d’un personnage de Stephen King, le protagoniste fuit le harcèlement d’un meurtrier latent, manipulateur et sadique, qu’on ne voit jamais mais dont on soupçonne la présence, à posteriori, grâce à des traces qui donnent le vertige. Lorsqu’ils quittent un lieu, les fugitifs se sentent épiés, pistés comme du gibier, sans savoir où et quand le mal les frappera.

Dans ces conditions, le lecteur avance à tâtons, dans le noir, les mains en avant, cherchant désespéramment l’interrupteur pour faire la lumière, avec la désagréable impression qu’un monstre va surgir de l’obscurité pour l'attraper et le faire souffrir.

Pig Island, c’est l’histoire d’une machination dont le lecteur ne sort pas indemne. Le procédé est déjà vu mais efficace. Et même si le dénouement mérite quelques explications (et fait même l’objet de discussions sur internet !), on se laisse porter jusqu’au bout par le style alerte de l’auteur et la dynamique implacable de son intrigue. Pig Island n’est pas un grand classique (dans le cochon, tout n’est pas forcément bon…) mais c’est un bon thriller qui vous fera passer l’envie de vous faire des ennemis !

Olivier Valentin
26/04/07

(*) Pig Island, de Mo Hayder, Editions Presses de la Cité, mars 2007 (site web)

© Photographie : O.V.

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