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[Retour lieux hantés]

Le plus sensible d’entre-nous au monde des esprits, Erick Fearson, nous livre ses impressions de visite, à la découverte des mystères de l’Observatoire de Juvisy, un lieu stupéfiant et pétrifié, qui sommeille comme un bateau fantôme au milieu d’un océan d’étoiles. Cette demeure en perdition lui a inspiré mélancolie et indignation. Refusant de céder aux fantasmes faciles du surnaturel et aux fausses alertes, notre chasseur de fantômes a passé les moindres recoins de la propriété à l’épreuve de son intuition et s’est pris à rêver d’une présence secrète, celle de l’astronome qui n’a pas tout à fait rejoint les astres. Enfin, il revient sur une anecdote troublante de la vie d’écrivain de Camille Flammarion qui, d’après les connaisseurs, avait une étrange façon de couvrir certains de ses livres…

Par Erick Fearson

Nous arrivons à Juvisy-sur-Orge. Petite ville sans charme de la banlieue parisienne, comme il en existe tant autour de la capitale. En suivant l’artère principale, nous passons devant une grande bâtisse qui semble hors du temps. C'est un anachronisme parmi les maisons et les divers commerces qui bordent l’édifice. Ça ne peut être qu’ici ! La coupole qui coiffe le toit et cache en son sein l’observatoire de Camille Flammarion nous le confirme.

Nous sommes accueillis par Patrick et Catherine Fuentes, détenteurs des clés de ce royaume abandonné. Le couple est aussi l’instigateur de la sortie du dernier ouvrage post-mortem de l’astronome qui flirtait avec les esprits.

Nous accédons à la propriété par la grille située au pied d’une tour crénelée. Tour ornementée d’un cadran solaire, témoin impassible du temps qui passe. Laquelle tour permettait aux assistants de Flammarion d’accéder au laboratoire sans passer par la maison de l’astronome. Nous pénétrons dans le domaine interdit. L’édifice s’offre majestueusement à nos yeux. Face à l’entrée principale, encadrée par deux immenses colonnes et surmontée par les initiales de l’homme de science, je n’ai qu’une envie : pousser la porte permettant d’accéder à un univers "Vernésien" depuis longtemps oublié.

Ce que nous faisons sans plus attendre et non sans une certaine émotion. Les volets étant fermés, puisque condamnés, laissent cependant filtrer la lumière du jour.

Nous sommes dans le hall d’entrée. De part et d’autre, se trouvent deux immenses pièces, vides hormis quelques objets qui jonchent le sol. De cette vacuité émergent les souvenirs oubliés d’un siècle révolu. Nous baignons délicieusement dans une semi-pénombre si propice aux manifestations d’esprits. Face à nous, se trouve l’escalier principal nous permettant d’accéder aux niveaux supérieurs de la conscience de la maison.

Nous l’empruntons et suivons un dédale de couloirs qui nous conduisent à la bibliothèque, orpheline de Flammarion. La pièce est toujours vivante malgré son apparent sommeil. Sculpté sur les pourtours de l’écrin qui ne demande qu’à accueillir, à nouveau, de nombreux grimoires astronomiques et spirites, émergent du bois les douze signes du zodiaque, ainsi que les différents astres et planètes de notre système solaire. Magnifique ouvrage supporté par quelques colonnes à l’image de demi-dieux figés. Mais ouvrage tristement rongé par l’emprise du temps...

Une question me hante cependant l’esprit : est-ce ici que Flammarion conservait le livre "tabou" ? Je m’explique. Lors d’une soirée, ce libre penseur rencontra une comtesse dont il admirait les épaules. Longtemps après, il reçut un bien étrange paquet accompagné d’une lettre expliquant que la comtesse avait rejoint le royaume des ombres et que ce colis contenait la peau de ce dos admiré. L’extravagante comtesse lui avait léguée cette partie de son anatomie, pour qu’il en relie son livre traitant bien évidemment des étoiles. C’est ainsi que l’astronome obéit à la dernière volonté de la défunte et habilla de cette peau l’ouvrage Ciel et Terre

Je suis la continuité de cette immense bibliothèque qui étend son territoire dans un couloir inconnu. Je me sens accompagné et poussé par quelqu’un ou quelque chose. Invisible bien sûr, mais pourtant bien présent.

Soudain, je me retrouve dans une grande pièce vide. Aussi vide apparemment que notre univers qui ne l’est pas vraiment. Seule une cheminée, dont le foyer ne sera jamais rallumé, occupe la pièce. Au-dessus de cette cheminée, un vitrail splendide. Ce grand vitrail qui est la seule ouverture de cet espace avec l’extérieur diffuse une lumière quasi surnaturelle. Si j’étais seul et en condition, je pourrais sans doute palper l’esprit qui hante cette pièce. Les vibrations qui en émanent sont bien présentes et semblent vouloir me traverser. J’apprends qu’il s’agit de la chambre de Flammarion. Est-ce lui ou quelqu’un d’autre qui paraît présent ? Je ne saurais le dire…

Je poursuis ma visite, guidée uniquement par la lumière occulte de ce lieu…

J’accède au second étage. Nous sommes dans le laboratoire ou une effervescence studieuse devait régner à l’époque. Je le sens. Les pièces sont encombrées d’objets hétéroclites, abandonnés à leur triste sort.

Ils sont condamnés à finir leur vie ici-même, oubliés de tous. Là où ils ont toujours vécu. Cette maison est leur sombre tombeau. Ici, se trouve un globe terrestre d’une pâleur indicible, dont une plaie béante nous indique que sa fin est proche. Là, se trouvent les restes de mystérieux instruments dont la fonction m’est inconnue et qui semblent agoniser à petit feu. Un peu partout, sous une épaisse couche de poussière, se trouvent de petites notes calligraphiées par la main de Flammarion ou l’un de ses assistants. À côté d’une fenêtre, séparé du reste de ces autres natures mortes agonisantes par une frontière invisible, un fauteuil en osier, pétrifié par des décennies d’abandon. En ouvrant notre troisième œil, on peut aisément imaginer Camille Flammarion immobile, assis. Le regard perdu à la fenêtre, il scrute éternellement son tombeau qui repose dans le parc de sa propriété. Étrange impression en vérité…

Je m’apprête à rejoindre l’observatoire proprement dit quand j’entends un léger bruit. Un bruissement devrais-je dire. Ce bruit persiste et, pourtant, je suis seul dans la pièce ! Manifestation de l’autre monde ? Fausse alerte ! Ce n’est qu’un pigeon qui a fait de cette vaste demeure déserte son refuge hivernal. Les dix commandements d’un chasseur de fantômes ne doivent pas nous faire oublier que notre imagination peut nous jouer des tours et nous faire percevoir des spectres là où il n’y en a pas.

J’accède enfin à la coupole. C’est la pièce la plus divinement lumineuse. Rien d’étrange à cela. C’est en nous élevant que nous accédons à une lumière de plus en plus intense et spirituelle. Et point d’escalier dans cette coupole. Il n’y a donc plus aucun niveau au-dessus de celle-ci. Nous culminons au point le plus haut de ce parcours initiatique. Il suffirait presque d’étendre le bras pour toucher les étoiles.

La gigantesque lunette astronomique trône au centre de la coupole comme siège le soleil au centre de notre galaxie. D’après notre guide, elle serait encore en état de fonctionner. Étonnante métaphore que celle-ci. Elle est le symbole le plus prégnant de ce que représentait Flammarion pour le monde : plongée dans un sommeil léger attendant peut-être qu’une personne vienne la réveiller... Peut-être que l’esprit de son illustre propriétaire l’entretient-il et l’utilise-t-il encore durant les nuits de pleine lune…

Quand le royaume des rêves a pris possession du monde des vivants. Peut-être même que les médiums étudiés par l’astronome et devenus fantômes, depuis lors, s’amusent, par cette lunette, à scruter leur propre territoire, familier des spirites, "Neverland". Car une chose est certaine : cette antiquité qui semble sortie d’un roman de Jules Verne est une porte donnant sur une autre réalité. Réalité tellement loin et tellement proche à la fois. Car je vous le dis, cher amis, cette maison est vivante !

À l’extérieur, un ciel de feu m’indique qu’il se fait tard. Nous devons redescendre et donc nous replonger dans les ténèbres de ce lieu intemporel, pour accéder, de nouveau, à notre réalité matérielle. Je prends mon temps et continue ainsi de savourer ce glissement temporel, dans les entrailles de ce temple des étoiles et des esprits.

De retour au rez-de-chaussée et en empruntant les marches d’un niveau intermédiaire, je découvre un couloir que je n’avais pas remarqué. Un long couloir qui semble interminable. Mon imagination me jouerait-elle encore des tours ? À l’autre bout de ce long corridor, j’aperçois, le temps d’une fraction de seconde, une ombre furtive… D’un pas alerte, j’emprunte ce passage qui m’appelle. Je ne trouve pas âme qui vive. Mais je me trouve maintenant dans la cuisine où l’énorme cuisinière de fonte et de brique devait répandre ses odeurs appétissantes et sa chaleur réconfortante.

Tristement, elle nous confirme maintenant, par sa froideur, la lente agonie de la bâtisse. Il est accablant et frustrant de savoir que le vestige de ce passé perdu ne sera plus, si nous ne faisons rien…

Par notre indifférence et notre ignorance, ce navire, naufragé des étoiles, glisse lentement mais sûrement dans les abîmes du temps. Attendons-nous qu’un trou noir engloutisse à tout jamais ce bateau fantôme pour nous réveiller ? Car ne l’oublions pas, nous sommes, tous, les enfants stellaires de notre passé… Vous voilà avertis ! Et comme me le murmure à l’oreille l'esprit d'un sage chinois, l'ignorance est la nuit de l'esprit, et cette nuit n'a ni lune ni étoiles. Et si les étoiles sont dans le ciel, c’est pour rappeler aux mortels l'objectif vers lequel ils doivent tendre.

Mélancolique, je quitte ce radeau chaotique ballotté par les flots urbains. Une fois dehors, je me rends sur la sépulture de Camille Flammarion, située dans le parc de la propriété, pour un dernier hommage avant de laisser, avec tristesse, le temps accomplir son inexorable tâche…

E.F.

Remerciements : Mihaela

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>> Autre article : La face révélée de l'Observatoire de Juvisy, par Olivier Valentin

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© Copyrights photos : Erick Fearson et Olivier Valentin

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