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On ne badine pas avec les fantômes !

Fidèle adversaire de la très controversée pensée zététique, contre laquelle il s’amuse à retourner ses propres armes, Erick Fearson s’est plongé dans la lecture de l’Encyclopédie des Fantômes et des Fantasmes de Jérôme Noirez, en marge de notre article. Adhérant à la plupart des arguments que nous avions avancés, il va plus loin, réagissant à certains articles qu’il considère trop imprégnés de scepticisme et d’idées reçues. Il déplore que, pour l’auteur, en dehors de l’imaginaire, les fantômes - et ceux qui les étudient ! -, n’ont point de salut. Par respect pour ces spécialistes de l’étrange, héritiers à leur manière de l’ingénieux Harry Price, on ne badine pas avec le surnaturel. Selon Erick, c’est le piège tendu à ceux qui s’y intéressent mais qui n’y croient pas…

Par Erick Fearson, chasseur de fantômes

Après la lecture de l’Encyclopédie des Fantômes et des Fantasmes de Jérôme Noirez, je reste dubitatif et me pose quelques questions. Vers quelle cible est destinée cette "encyclopédie" ? Mais commençons par le commencement. Le graphisme de la couverture m’a tout de suite séduit. L’objet en lui-même met l’eau à la bouche. Cependant, j’ai failli défaillir à la lecture des remerciements en ouverture. Effectivement, l’auteur remercie l’inénarrable Paul-Éric Blanrue, qui est, comme certains le savent, le fondateur de la "secte" zététicienne. Les apparitions médiatiques de cet incrédule, souvent aux côtés du drolatique Gérard Majax, restent dans toutes les mémoires. Dommage qu’on ne le voit plus hanter les plateaux de télévision, tant il nous faisait bien rire et ôtait fort heureusement, par son arrogance, son intolérance, son agressivité et son impulsivité, toute crédibilité au mouvement zététique. Encore que la zététique n’ait jamais réellement convaincu. Mais là n’est pas le propos.

Après cette douche froide donc, je me suis aventuré avec prudence, sur les pentes savonneuses de ce pavé fantomatique. Avant tout, soyons clairs en précisant que l’auteur se classe plutôt dans le camp des sceptiques. Le ton est donné !

D’abord, le titre  me semble déplacé. Il laisse supposer que les fantômes et les fantasmes sont une seule et même chose. Etymologiquement certes, mais dans les faits, rien n’est moins sûr. Bien au contraire ! Cependant, reconnaissons que l’ouvrage est fort bien écrit et que le contenu est moins anecdotique et plus riche que d’autres ouvrages traitant du même sujet. Bien que les histoires présentées ici ne soient pas nouvelles, Jérôme Noirez a réalisé un travail de documentaliste assez minutieux. La partie la plus intéressante de l’ouvrage concerne les mythes et les rites qui laissent vagabonder notre imagination, aux quatre coins du monde. Bien que l’auteur ne croie pas aux fantômes, il ne peut s’empêcher d’en voir partout : dans la génétique ou l’informatique par exemple. Il a une fâcheuse tendance à l’extrapolation que je peux pardonner. Mais là où je ne suis pas d’accord et où je m’insurge, c’est quand il aborde sur un ton ironique, teinté de condescendance, les applications réelles, ou supposées comme telles, du monde des spectres : la chasse aux fantômes, le spiritisme, la parapsychologie… Ça transpire tristement et, de toutes parts, la pensée extrémiste de la zététique… Brrrrr !

Prenons quelques exemples :

À la définition "Maison hantée", l’auteur nous éclaire sur notre propre ignorance et nous assène la Vérité avec un grand "V". Selon lui, les esprits frappeurs ne sont que la résultante d’innombrables bruits aux sources indéterminées (tuyauterie, ventilations, hydrogéologie, termites, fouines, souris, oiseaux…). Même si effectivement, c’est un paramètre que tout bon chasseur de fantômes se doit de prendre en compte, la conclusion est un peu facile, et parfaitement spéculative. Dans cette même définition, Jérôme Noirez nous instruit en nous révélant que la cause des déplacements d’objets n’est due qu’à notre volonté inconsciente à les déplacer nous-mêmes ! Et les apparitions, me demanderez-vous ? Selon lui, elles ne sont que le pur produit d’un phénomène d’une grande banalité : l’hallucination ! On sent bien là, la pensée rationaliste de la psychiatrie orthodoxe et, par extension, de la pensée zététicienne. Selon eux, une apparition n’existe que dans la tête de celui qui la perçoit. Pour ces sceptiques notoires, il n’existe rien en dehors de notre monde matériel. Loin de moi la pensée qu’il n’existe pas de cas d’hallucinations. Il en existe et je le confirme. Seulement, dans cette perspective, ils sont plus rares que l’auteur voudrait nous le faire croire. Son point de vue est, me semble-t-il, dogmatique. J’aimerais d’ailleurs citer sur ce point Erik Pigani, auteur de Psi, qui dit très justement : "Cette vision du monde est acceptable à partir du moment où on la définit comme une croyance. Affirmer qu’il n’existe rien hors de la matière est une hypothèse. Et seulement une hypothèse. Mais lorsqu’une hypothèse ressemble plus à une croyance qu’à une véritable démarche scientifique. Lorsqu’elle prend le goût et la couleur d’un dogme en englobant tout ce qui vit ou existe dans l’Univers, il y a lieu de se poser de sérieuses questions sur ses fondements. Cette attitude résolument réductionniste, cette absence totale d’ouverture d’esprit peut parfois devenir une véritable entreprise de désinformation sur le fonctionnement réel des processus psychiques".

Mais continuons d’explorer ce terrain qui devient de plus en plus glissant :

À la définition de "Chasseurs de fantômes", l’auteur égratigne l’un de mes héros d’enfance : le plus fameux chasseur de fantômes du 20ème siècle, Harry Price. Il le décrit comme étant une personnalité controversée et occupant les médias au prix de quelques supercheries et d’expéditions frôlant le ridicule. Notamment dans l’affaire de Gef, la mangouste parlante de l’Île de Man. Sous la définition "Ghost Club", il enfonce le clou en nous précisant que Price est un "show-man" du paranormal souffrant d’une étrange propension à s’auto-décrédibiliser. Je reconnais les arguments des détracteurs du vivant de Price. Alors pourquoi tant d’animosité envers Price ?

Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, ses nombreux ennemis lui reprochaient son goût prononcé pour la publicité. Il savait utiliser les médias avec brio, permettant ainsi d’attirer l’attention de la population sur ces phénomènes étranges. De ce fait, il embellissait le côté spectaculaire des choses pour captiver le monde, créant ainsi la polémique. Polémique parfaitement orchestrée bien évidemment. Mais quelle personne intelligente lui reprochera ? N’oublions pas que P.T Barnum, créateur de quelques mystifications, ou Harry Houdini, l’ont fait avant lui. Et on avait beaucoup de mal à l’accepter. Notons aussi que Harry Price possédait un fort charisme, un talent théâtral certain et, surtout, de multiples facettes. Il était impossible de le classer dans une catégorie bien précise. Ni scientifique, ni sceptique, ni même croyant bien qu’il affirmait croire au surnaturel. Il était, d’une certaine façon, un peu tout cela à la fois. De plus, il n’hésitait pas à remettre en cause ses propres opinions, comme dans le cas de l’affaire Rudi Schneider. Tel un spectre, il était inclassable et insaisissable. Pour beaucoup, Harry Price était une énigme à la personnalité complexe. Il n’en fallait pas plus pour s’attirer de nombreux adversaires, y compris au sein de la fameuse Society for Psychical Research (S.P.R.). Il subissait les attaques autant des scientistes que des spiritualistes. Pas de demi-mesure : on l’adorait ou on le détestait ! Et à la question d’un journaliste qui lui demandait si la communication avec les morts était possible, sa réponse génialissime fut : "scientifiquement, non ; occasionnellement et spontanément, oui". On comprend dès lors pourquoi les attaques furent si nombreuses.

On peut donc lui reprocher beaucoup de choses. Mais c’est oublier bien vite que Harry Price a fait énormément dans le champ de la recherche psychique et, en particulier, dans le domaine de la chasse aux fantômes. Notons qu’il inventa certains instruments destinés à déjouer les faux médiums, ainsi que des méthodes pragmatiques permettant de conduire sur le terrain une chasse aux fantômes. Il fut un pionnier du paranormal et celui qui porta à la connaissance du grand public l’univers des traqueurs de spectres. Aujourd’hui, et quoi qu’on puisse en dire, chaque personne travaillant dans ce domaine lui doit au moins quelque chose. Pour ceux qui voudraient avoir une vision plus juste de ce génie, je vous conseille de lire son Journal of a ghost-hunter et The biographie of a ghost-hunter rédigée par Paul Tabori (en anglais).

De plus, comme le fait remarquer Olivier Valentin dans son article, l’auteur nous laisse penser que les "mauvais" traqueurs de spectres sont de doux rêveurs, victimes d’hallucinations et d’autosuggestion, surtout lorsqu’ils se risquent à émettre l’hypothèse que les fantômes peuvent exister. À contrario, les chasseurs de fantômes sérieux, selon Noirez, sont des rationalistes endurcis, affectionnant la thèse zététicienne, dont l’unique tâche consiste à déjouer les supercheries et à prouver l’inexistence des spectres. Hormis cette vision, point de salut ! C’est donc, on le voit bien, réduire ce domaine et méconnaître l’univers des chasseurs de fantômes et leur champ d’investigation. Les conclusions de l’auteur sont faciles et purement théoriques.

J’ajoute aussi que l’encyclopédiste sème, insidieusement, ici et là, dans l’ouvrage, nombres de graines. Graines qui, une fois germées, tendent à véhiculer la désinformation et à décrédibiliser les recherches sérieuses dans ce domaine. Prenons deux exemples parmi les nombreux proposés :

Les crop circles (cercles de culture) ne sont, selon lui, que des dessins tracés par d’habiles plaisantins dans les champs de céréales. Voici encore une fois, une affirmation à l’emporte-pièce. Il est vrai que deux retraités, Doug Bower et Dave Chorley, ont affirmé, en septembre 1991, être les auteurs du phénomène de ces cercles étranges, dans le milieu des années 70. Il n’en fallait pas plus pour que les sceptiques se gaussent, se satisfassent de cette explication et classent l’affaire sans suite. C’est bien vite oublier que l’on a recensé des crop circles dans plus de 40 pays dans le monde. Ajoutons que les premières traces de ce phénomène remontent à plus de 400 ans et, plus précisément, à 1590, à Assen, en Hollande. Notons aussi que, dans certains cercles, l’enchevêtrement vertical de blés torsadés et enroulés sur eux-mêmes reste très énigmatique, comme le sont le taux anormal de radiations sur place et les anomalies dans la constitution du végétal. Enfin, de nombreux chercheurs s’accordent à dire qu’environ un cercle sur dix défie toute explication rationnelle. Réduire ce phénomène à un simple canular, sous prétexte que deux plaisantins ont fabriqué des crop circles, serait donc une erreur de jugement.

Enfin, le second exemple nous dit que Camille Flammarion a adhéré au spiritisme. Cette affirmation est, bien entendu, fausse. L’astronome n’a jamais adhéré à la thèse spirite et n’a fait qu’étudier scientifiquement le spiritisme. Patrick Fuentes, en possession des manuscrits de Flammarion (plus de 5000 lettres !), nous l’a d’ailleurs encore confirmé récemment.

Reconnaissons tout de même l’ampleur du travail de fourmi que l’auteur a effectué, dans cette compilation des mythes, légendes, études des fantômes littéraires et cinématographiques. Bel effort. Regrettons malheureusement l’autre face de la pièce. Car, selon moi, le grand tort de Jérôme Noirez est de militer (inconsciemment ?) pour la chapelle zététicienne comme le font, pour leurs propres chapelles, les tenants de l’autre extrême : les spirites, les adeptes du new-age et autres détenteurs de la "Vérité". Il souffre du même travers que ses opposants : l'étroitesse d’esprit. Malheureusement, on sait pertinemment que les extrêmes se rejoignent. En adoptant ce ton, l’auteur de cette encyclopédie tend, du coup, à se décrédibiliser lui-même auprès de certaines cibles de lecteurs.

En conclusion, l’ouvrage qui s’adresse à un public sceptique est avant tout un exercice intellectuel qui sous-entend que les fantômes et les hantises sont explicables ou ne sont que les fantasmes de notre imagination ignorante (et malade ?), syndrome zététicien. Il confine le fantôme dans le champ de la fiction et de l’imaginaire. Ne vous attendez donc pas à y trouver les dernières avancées dans le domaine de la parapsychologie et, précisément, des spectres car vous seriez déçus.

E. F.

>> La présentation de l'ouvrage par Olivier Valentin

>> Entretien avec Jérôme Noirez

>> Un article sur Harry Price et l'affaire du presbytère hanté de Borley

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